LA FASCINATION DE GULFI. 1. Un roi, Gulfi (norr. Gylfi), gouverna des contrées là où est ce qu'on appelle maintenant la Nation-Svie. On rapporte de lui qu'à une Femme-ambulante, il abandonna, en récompense de son divertissement, autant de terre labourable, dans son domaine, que quatre bœufs laboureraient en un jour et une nuit. Or, cette femme en était une de la race des Ases ; elle est nommée Cafion (norr. Gefmn, Aime - l'Abîme) 1 ; elle prit au Nord, au Séjour-des-Iotnes (norr. lôtun-heim), quatre bœufs, issus d'un lotne et d'elle-même, et les attela à la charrue. Mais la charrue alla si fortement et si profondément, que le terrain fut arraché. Les bœufs entraînèrent ce terrain dehors, dans la Mer, vers l'ouest, et ils firent halte dans un détroit. Là , Gàfion fixa ce terrain et lui donna un nom, et l'appela Bocage-de-Mer (norr. Sœlund). Et à l'endroit où le terrain avait été arraché , il y eut, après, de l'eau ; c'est ce qu'on appelle maintenant le Lac (norr. Lôgr) chez la Nation-Svie ; et, dans ce lac, les enfoncements correspondent aux promontoires dans Bocage-de-Mer. Voici ce qu'énonce le skalde Bragi le Vieux : (tA Gulfi, libéral de son Roux de l'Abîme, Gâfiun , enleva, joyeuse, «L'Accrue de la Marche-Dane, si bien qu'ardents à courrir ils fumaient, «(En trottant devant la vaste Dépouille, matière de l'Ile agréable) «Ces bœufs, portant, avec huit lunes-frontales, quatre têtes.» 2. Le roi Gulfi était un homme avisé et versé en magie. Il s'étonnait beaucoup que la bande des Ases fût tellement versée, que toutes choses leur allaient à souhait. Il examina en lui-même si cela tenait à leur propre nature, ou si les Divinités puissantes, auxquelles ils sacrifiaient, en étaient la cause. Il entreprit un voyage à Enclos-des-Ases (norr. Asgardr), et. il partit en secret, et revêtit l'extérieur d'un homme vieux, et se déguisa ainsi. Mais les Ases étaient d'autant plus prévoyants qu'ils usaient de divination , et ils s'aperçurent de son voyage avant que lui-même ne fût arrivé ; et ils préparèrent contre lui des illusions de vue. Aussi, quand il entra dans l'Enceinte, il y vit une halle tellement haute, qu'à peine il put voir jusqu'au-dessus d'elle; le toit en était formé de boucliers d'or, à l'instar d'un toit de bardeau. Voici comment Tkiôdôll' de Hvin énonce que la Halle-des-Occis (norr. Valholl) était couverte de boucliers : «Attaqués, (fu'ils étaient à coups de pierres, les Héros précautionnés, «Firent reluire, sur leur dos, les Écorces de Bouleau de la Salle dl) Svafnir. t) Gulfi vit^sous la porte de la Halle, un homme qui jouait avec des couteaux à main, dont il avait en l'air sept à la fois. Celui-ci, tout d'abord, lui demanda son nom. Il déclara se nommer Piétonncur (norr. Gangleri) et arriver des Sentiers détournés (norr. Rœfils&tigur). Il demanda qu'on lui assignât un gîte pour la nuit, et il s'informa à qui appartenait cette halle. L'autre répond: que c'était à leur Roi. « Je puis même t'accompagner pour te le faire voir; alors, toi-même, «tu pourras lui demander son nom.)) Là-dessus, cet homme, se retournant, alla, devant lui, dans l'intérieur de la halle, et l'autre )e suivit; et aussitôt les portes se fermèrent sur son talon. LÜ, celui-ci vit mainte allée et mainte bande; les uns jouaient, les autres buvaient, quelques-uns étaient en armes et combattaient. Alors il examina tout, autour de lui ; et maintes choses, qu'if vit, lui parurent incroyables; alors il se dit : «Toutes les entrées, avant qu'on n'avance. « Doivent être explorées ; «Car on ne peut savoir , pour slÎr, s'il n'y a pas d'ennemis «Embusqués dans la demeure. » Il vit trois siéges élevés et placés l'un au delà de l'autre, et trois hommes y siégeaient, un dans chacun. Alors il demanda quels étaient les noms de ces Chefs. Celui qui l'introduisit répond : que celui qui est assis dans le siége élevé le plus proche, était le Roi; qu 'il se nomme Sublime (norr. Hdr) ; que celui qui est le plus près de lui se nomme Équi-Sublime (norr. Iafnhâr)r et que le plus éloigné se nomme Troisième (norr. Thridi). — Alors Sublime demande à l 'Arrivé quelle est, principalement, son affaire, puisque le manger et le boire lui reviennent de droit comme à tout le monde, ici dans la Halle du Très-haut (norr. Hâvi). Celui-ci déclare qu'il veut surtout examiner s'il y a ici quelque homme savant. Sublime lui déclare qu'il ne sortira pas sain et sauf, à moins qu'il ne soit le plus savant, et: «Tiens-toi debout, pendant que tu interroges; «Celui qui répond restera assis.» 3. Piélonneur commence ainsi son interrogation : « Quel est le plus grand et le plus ancien des dieux? » Sublime répond : « Il se nomme Père Universel (norr. Allfôdr), dans notre langage ; « mais dans l'ancien Enclos-des-Ases, il avait'12 noms : le premier «en est Père Universel, le second Herran ou Herian (Aime-Troupe), « le troisième est Nikar ou Hnikar (Hennisseur) ; le quatrième est « Nikuz ou Hnikudr (Vent-Hennissant); le cinquième Fiôlnir (Ca« ché) ; le sixième Oski (A-souhait) ; le septième Omi (Chuchoteur); « le huitième Bif-lîdi ou Yif-lindi(Léger-Frémissement); le neuvième « Svidur (Fascination); le dixième Svidrir (Magicien) ; le onzième « Vidrir (Tempétueux) ; le douzièmelalg oulalkr (Effervescent).» . Alors Piétonneur demande : « Où est ce dieu?; et que peut-il?; et quelles œuvres de distinction « a-t-il accomplies?}) Sublime répond : « II vit dans tous les âges et gouverne tout son Empire, et prend « soin de toutes choses grandes et petites. » Alors Equi-Sublime ajoute : « Il a confectionné le ciel et la terre et l'air, et tout ce qui leur « appartient. » Alors Troisième ajouta : « Le principal est qu'il a fait l'homme, et lui a donné l'âme qui * vivra et jamais ne périra, bien que le corps se dissolve en pous« sière ou soit brûlé à cendre : et tous les hommes convenablement « moraux vivront, et seront, auprès de sa personne, là où est ce que « qu'on appelle l'Étincelant (norr. Gimli) ou l' Allée Agréable (norr. « Vingolf); mais les hommes intraitables descendent chez Hel, et, de «là, dans le Hel-Brumeux (norr. Niflhel), qui est, en bas, dans le « neuvième Séjour. » Alors Piétonneur demanda : « De quoi s'occupait-il avant que le ciel et la terre fussent faits?» Alors Sublime répond : C{ Il était alors avec les Thurses-Givreux (norr. ffrimthwsar.) ) 4. Piétonneur demanda : (ç Quel était le Commencement?; et comment cela a-t-il commencé?; « et qu'y avait-il antérieurement?» Sublime répond : «Ainsi qu'il est dit dans la Vision de la Louve (norr. Völuspâ): ««C'était à l'Aurore des âges que Rien n'était; ««Il n'y avait ni Sable, ni Mer, ni Ondes fraiches; ««Il ne se trouvait pas de Terre ni de Ciel élevé ; ««Il y avait le Bâillement-desrMâchoires, mais de l'herbe nulle part.»» Alors Equi-Sublime ajouta : «Maints âges avant que la terre fut créée, il existait déjà le Sé«jattr-Brumeux (norr. Niflhéimr), au milieu duquel se trouve le Puits «qui est appelé Bassin-Bruyant (norr. Hver Gelmir), et de là se «projettent les Eaux qui sont ainsi nommées : Svôl (Froide), Gun« t,hra (Belliqueuse), FiÕrm (Chargée), Fimbul (Étourdissante), Thul « (Murmurante), Slidur (Lente), et Hrîth (Brusque), Sylgur (Ea«gloutissante) et Ylgur (Hurlante), VU (Large), Leiftwr (Jaillis« santé) et Gioll (Retentissante), laquelle est le plus près des Grilles « de Hel (norr. Helgrind). » Alors Troisième ajouta : «Antérieurement, cependant, existait dans la Section du sud, le «Séjour qui est nommé Muspett (Gâte-Monde); il est brillaNt et « chaud, au point qu'il est flambant et brûlant ; aussi est-il iia-cces« sible à ceux qui lui sont étrangers et n'y ont pas leur séjour héré« ditaire. C'est le nommé Surtur (Noirci) qui réside à l'extrémité du «Pays, pour la défense du Pays; il a une épée ~; et, à la fin « du monde, il s'avancera pour tout ravager et pour vaincre tous les « Dieux et consumer le Stfour entier par le feu : ainsi est-il dit dans « la Vision de la Lomé : ««Surtur s'élance du Sud avec le Feu des glaives, «« Le soleil resplendit sur l'épée des Héros d'occision; «« Les montagnes de roche s'écroulent, les Géantes se précipitent; «« Les Ombres foulent le chemin de Hel; ; puis, le ciel se fend.»» 5. Piétonneur demanda : « Comment cela était-il arrangé avant que les Races eussent pris « naissance et que la foule des hommes se fût multipliée ? » Alors Sublime répondit : « Les Eaux qui sont appelées Vagues Tempétueuses (norr. Elivd« gar), lorsqu'elles se furent tellement éloignées de leur source que ({ le ferment venimeux liquide, qui s'y trouvait, s'endurcit, il s'en « forma de la glace ; et quand cette glace se fixa et ne coula plus, alors «l'humidité qui provenait du venin, se répandit par-dessus, et se « congela en givre ; et les givres s'amoncelèrent les uns au-dessus « des autres, dans le Bdillement-des-Mâchoires (Ginnunga-gap).» Alors Équi-Sublime ajouta: « Le Bdillement-des-Mdchoires, du côté tourné vers la région du Nord, «se remplit d'une masse épaisse et lourde de glace et de givre, et, «en dedans, d'humidité et de vents froids; ensuite la partie méri« dionale du Bâillement-des-Mâchoires se dégela à la rencontre des «étincelles et des paillettes qui s'envolaient du Séjour-de-Muspell « (norr. Muspellsheimr, Séjour de Gâte-Monde). » Alors Troisième ajouta : « De même que du Séjour-Brumeux provenait le Froid et toutes « les Choses glacées, de même, ce qui était tourné vers le voisinage de Muspell (Gâte-Monde), était chaud et luisant. Aussi le « Bâillement-des-Mâchoires était-il tiède, comme l'air calme, là où le «souffle de la chaleur atteignit le givre, de sorte qu'il s'amollit et « se fondit en gouttes ; et par ces gouttes vives il fut vivifié avec la « puissance du souffle qu'envoya la chaleur, et il se forma une figure « d'homme; et ce fut le nommé Ymir (Murmurant), le même que les « Thurses-Givreux appellent Or-Gelmir (Très-Bruyant) ; et les races « des Thurses-Givreux en sont provenues, ainsi qu'il est dit dans la Il Petite Vision de la Louve : ««Toutes les Louves proviennent de Loup-du-Bois (Vid-olfr); ««Tous les Sorciers de Bois-de-Malheur (Vil-meidr); ««Mais les Porte-Crible de Tête-Noire (Svart-hôfthi), « (t E/ tous les lotnes de Ymir.»» «Voici encore ce que répondit l'Iotne Vafthrûdnir, lorsque Mar« cheur (Gangleri) lui demanda : «D'où est-il venu, Ôr-Gelmir, parmi les Fils des Iotnes. «Au commencement? Iotne savant!» : ««Lorsque des Vagues-Tempêtueuses jaillirent les Gouttes de venin. ««Cela grandit jusqu'à ce qu'il en sortit un Iotne ; «« A lui remontent ensemble toutes nos Races; ««C'est pourquoi, toutes, sont toujours par trop féroces.»» Alors Piétonneur demanda : « Comment les Races s'augmentèrent-elles ensemble après? « Comment s'est-il fait qu'il y eût plusieurs individus? — et le crois« tu Dieu celui dont tu viens de parler?» Alors Sublime répondit : « D'aucune façon nous n'affirmons qu'il soit Dieu ; il était méchant, « de même que tous les individus de sa race, que nous appelons «. Thurses-Givreux; et il est dit que, lorsqu'il dormit, il lui prit une « sueur; alors il lui naquit, sous la main gauche, un Homme et une «Femme ; et un pied engendra, avec l'autre, un Fils; et de iii pro« vinrent les Races; ce sont les Thurses-Givreux ; le vieux Thurse« Givreux, c'est celui que nous appelons Ymir (Murmurant). î> 6. Alors Piétonneur demanda : « Où s'établit Ymir? et de quoi vivait-il ?» Alors Sublime répondit : « Lorsque le Givre fondit en gouttes, il arriva aussitôt qu'il en na« quit la Vache qui est appelée Aud-humla (Bourdonne-du-Désert) ; « quatre torrents de lait coulèrent de ses trayons, et elle nourrit Ymir (Murmurant). » Alors Piétonneur demanda : « De quoi se nourrissait la Vache?» Sublime répond : « Elle léchait les roches de givre qui étaient salées; et, le premier «jour qu'elle lécha ces roches, il sortit d'une roche, sur le soir, la « chevelure d'un homme; le jour suivant, la tête de l'homme ; le «troisième jour, il y avait l'homme tout entier: c'est le nommé « Buri (Manant); il était beau de visage, grand et puissant. Il rll« gendra le fils qui s'appelait Bâr (Fils); celui-ci épousa la femme « qui s'appelait Beitsla (Pousse-Grain), la fille de l'Iotne Böl-Thorn « (Épine Malfaisante; Malespine); et ils eurent ensemble trois lils : « l'un s'appelait Odinn (Agitant), l'autre Vili (Désiré), le troisième Vê « (Sacré) ; et c'est là ma croyance que cet Odinn-ci, avec ses frères, «va être le Gouverneur dit Ciel et dé la Terre; nous pensons qu'il « puisse être ainsi appelé ; ainsi est appelé l'Homme que nous con« sidérons comme le plus grand et le plus illustre; — et on peut bien « lui laisser ce nom. » 7. Alors Piétonneur demanda : « Qu'est-ce qui maintint alors la paix entre eux?; ou bien lesquels « furent les plus puissants ? » Alors Sublime répond : « Les Fils de Bor frappèrent à mort l'Iotne Ymir (Murmurant) ; et « lorsqu'il tomba, il découla de ses blessures tant de sang, qu'ils y « noyèrent toute la race des Thurses-Givreux, à l'exception d'un seul, « qui échappa avec sa femme ; les Iotnes le nomment Ber-Gelmir « (Entièrement-Bruyant) ; il monta sur une outre, avec sa femme, et « se sauva là-dessus, si bien que -de lui sont provenues les Races des « Thurses-Givreux, ainsi qu'il est dit ici : ««Dans la rigueur des hivers, avant que la terre fût formée, ««Ber-Gelmir fut engendré ; ««Mon plus ancien souvenir, c'est que cet Iotne intelligent ««Fut placé sur une outre.»» 8. Alors Piétonneur reprend : « Qu'entreprirent alors les Fils de Bor, si tu crois qu'ils sont des « dieux? » Sublime dit : « Il n'y a pas peu de choses à dire d'eux : ils prirent Ymir (Mur« murant) et le traînèrent au milieu du Bdillement-des-JJfdchoires, « et firent de lui la Terre, et de son sang la Mer et les lacs ; la terre « fut faite de sa chair, les rochers de ses os ; les pierres et les mo« raines, ils les firent de ses dents, et de ses molaires, et de ses os qui « avaient été brisés.» Alors Équi-Sublime ajouta : « Du sang qui s échappa des blessures et coula librement, ils en « firent la Mer, avec laquelle ils ceignirent et continrent ensemble Il la Terre; et ils placèrent cette Mer en anneau autour d'elle; à la « plupart des hommes il doit paraître impossible de la franchir. » Alors Troisième ajouta : « Ils prirent aussi son crâne et en firent le Ciel, qu'ils placèrent « au-dessus de la Terre, sur quatre bouts ; et, dans chaque coin, ils «placèrent un Dverg (Nain); ceux-ci se nomment ainsi : Oriental « (Austri), Occidental (Vestri), Septentrional (Northri), Méridional « (Suthri). Alors ils prirent les paillettes et les étincelles qui volti«geaient librement et avaient été lancées du Séjour-de-Muspell « (Muspels-heimr, Séjour de Gâte-Monde), et ils les placèrent vers « le milieu de l'Abîme, au ciel, tant en haut qu'en bas, pour « éclairer le Ciel et la Terre. Ils assignèrent une demeure à tous ces «Feux; à quelques-uns dans le ciel; d'autres erraient librement « sous le ciel ; ils leur assignèrent aussi une demeure et détermi« nèrent leur course. Ceci est dit dans les anciens documents que, « par là, les journées et le nombre des années furent distingués ; « ainsi qu'il est dit dans la Vision de la Louve : « «Sôl ne le savait pas où elle avait sa demeure ; ««Mâni ne le savait pas, quel côté il occuperait; ««Les Étoiles ne le savaient pas où elles auraient leur place.»» . « Voilà comme c'était avant qu'on n'eût arrangé la Terre.» Alors Piétonneur dit : « Ce sont de grandes Merveilles que je viens d'entendre; c'est une « Œuvre prodigieusement grande et faite avec habileté. » « Comment la Terre fut-elle arrangée?» Alors Sublime répond : «Elle est circulaire extérieurement, et autour d'elle se trouve la Mer «profonde; et les pays près de la rive de la mer, ils les donnèrent « à habiter aux races des Iotnes; mais en deça, sur la terre, ils con« struisirent, autour du Séjour, une Enceinte contre l'hostilité des « Iotnes; et pour cette Enceinte ils employèrent les sourcils de l'Iotne « Ymir (Murmurant) ; et ils appelèrent cette Enceinte l Enclos Mioctoyen (Mid-gardr). Ils prirent aussi sa cervelle et la jetèrent dans « l'air, et en firent les Nuages, ainsi qu'il est dit ici : ««De la chair d'Ymir, la Terre fut formée; ««Du sang, la Mer; ««Des os, les Rochers; des cheveux, les Arbres; ««Et du crâne, le Ciel : «« Mai s de ses sourcils, les Grandeurs bénignes firent « « L'Enclos-Mitoyen, pour les fils des homm es : ««Et de sa cervelle, ces sombres Nuages ««Furent tous formés. 9. Alors Piétonneur dit : «Il me semble qu'il y avait alors une grande besogne de faite « quand la Terre eut été créée, et que le Soleil et les Astres du ciel « eurent été placés, et les journées distinguées. — « Mais d'où sont venus les hommes qui habitent ce Séjour-ci?» Alors Sublime répond : « Lorsque les Fils de Bor marchèrent le long de la rive de la Mer, (1 ils trouvèrent deux troncs d'arbre ; et ils relevèrent ces troncs, et « en formèrent des hommes. Le Premier donna l'âme et la vie ; le «Second, l'intelligence et le mouvement; le Troisième, la parole, I( l'ouïe et la vue; ils leur donnèrent des habits et des noms. L'homme « fut nommé Ask (Frêne), et la femme Embla (Orme); et d'eux na« quit le Genre humain, auquel fut donné une habitation au dedans « de l'Enclos-Mitoyen (Mid-gardr). « Après cela ils se construisirent, au milieu du Séjour, une En« ceinte qui est appelée Enclos-des-Ases (As-gardr). Là se sont établis « les Dieux et leurs races; et là eurent lieu beaucoup d'aventures et Il de disputes, tant sur terre que dans l'air. Il y a un Endroit qui est « nommé Hlid-skialf (Chaumine aux Portes) ; et toutes les fois qu'O-« dinn était assis là, dans le siége élevé, il voyait tous les Séjours, « et l'occupation de tout homme; et il savait toutes les choses qu'il « avait vues. Sa femme s'appelait Frigg (Pluie), la fille de Fiorg-vin « (Aime-Pluie) ; et de leur race est provenue cette Génération que « nous appelons les Familles des Ases (Soutiens), qui ont habité l'an-Il cien Enclos-des-Ases et les Empires qui en font partie ; et toute cette « Famille est de race divine. Aussi mérite-t-il qu'on l'appelle Père « Universel, puisqu'il est le Père de tous les Dieux, des hommes et « de tout ce qui a été accompli par lui et par son énergie. Cette Terre « (lord) était sa fille et sa femme; et il se fit d'elle son premier fils, «qui est Thôr-des-Ases; il fut doué de force et de vigueur; par « là il vainc tous les vivants. » 10. «Norvi ou Narvi (Crépusculaire) était le nom d'un lotne qui « habitait les Séjours-des-lotnes. Il avait une Fille qui s'appelait Nuit « (Nôtt). Elle était noire et sombre comme la race dont elle prove« venait ; elle fut mariée à l'homme qui s'appelait Naglfari (Au Na-Il vire d'Ongles); leur fils s'appelait Audur (Inculte). Après cela, elle fut « mariée à un nommé Onar (Épouvantable) ; Terre (lord) était le nom « de leur fille. En dernier lieu elle épousa Dellingr (Issu de l'Arbre), « de la race des Ases; leur fils était Jour (Dagr); il était luisant «et beau, par son père. Alors Père-Universel prit Nuit et le Fils « de celle-ci, Jour, et leur donna deux chevaux et deux chariots, et « les plaça au ciel, afin qu'ils fissent, chaque fois, en un jour et une « nuit, le tour de la terre. Nuit chevauche au devant, sur le cheval qui « est nommé Crin-Givreux (Hrimfaxi), et qui, chaque matin, arrose la « terre des gouttes de son mors. Le cheval que Joui- possède est « appelé Crin-Luisant (Skinfaxi), et il éclaire de sa crinière l'air « entier et la terre. » 11. Alors Piétonneur demanda : « Comment dirige-t-il la marche du soleil et de la lune?» Sublime répond : « L'homme qui est nommé Mundilföri (Faisant le Tour), avait deux « enfants. Ils étaient si beaux et si agréables, qu'il appela l'un Aldni « (Lune) et sa fille Sôl (Soleil), et fiança celle-ci à l'homme qui « s'appelait Glenr (Bijou). Mais les Dieux furent irrités de cette ou« trecuidance ; et ils prirent le frère et la sœur et les placèrent au « ciel. Ils chargèrent Sôl de pousser les chevaux qui traînaient le « char du soleil, que les Dieux, pour éclairer les Séjours, avaient « formé d'une paillette qui s'était envolé du Séjour de Muspell « (Gâte-Monde). Ces chevaux s'appellent ainsi: Matinal (Ar-vakr) « et Tout-Alerte (AI-svidr); et, sous les épaules de ces chevaux, les « Dieux placèrent deux soufflets pour les rafraîchir; et, dans quel« ques documents, cela est nomm é Fer- Réfrigérant (Isarn-kol). « Mdni dirige la marche de la lune, et préside aux Renouvellements « et aux Décours. Il enleva de la terre deux enfants, qui s'appelaient «ainsi: Bil (Nuée) et Hiuki (Neigeux), lorsqu'ils revinrent du Puits « qui est nommé Byrgir (Assuré), et qu'ils portèrent sur leurs épaules « le seau appelé Sœgr (Affluence) et la perche Simul (Joug). Vidfinn « (Finne des Bois) est le nom de leur père : ces enfants suivent «1Jfdni, ainsi qu'on peut le voir de la terre. » 12. Alors Piétonneur dit: §alle, il y a « cinq cents et quarante allées; et cet Édific^S^le pWghnd que « les hommes sachent avoir été construit. \feîii comment s'éfmncent « les Dits de Grimnir: Cinq cents plus environ quarante alléè^ - ^J «( Sont, je pense, dans BHskirnir, aV^x^ y^^' ««De tous les Couverts, que je connais, lani^rîSsésT^^ (c Je tiens celui du Fils pour le plus grand.»» * « Thôr a deux Boucs, dont les noms sont Tann-gniostur (Craque« Dent) et Tann-grisnir (Grince-Dent), et une voiture dans laquelle « il s'avance ; les Boucs traînent cette voiture ; c'est pourquoi il est « appelé Thôr-au- Char. Il possède aussi trois objets précieux : 1 'ui) « d'eux est le Marteau Meunier (norr. Miolnir), que connaissent les « Thurses-Givreux et les Géants des Montagnes, quand il est lancé dans « l'air: et cela n'est pas surprenant; il a fracassé maint crâne de leurs « ancêtres et de leurs parents. Comme second objet de grand prix il « possède la Ceinture de force (norr. Megingiardar) ; quand il la «serre autour de lui, sa force d'Ase s'accroît du double. Il possède « un troisième objet de grand prix : ce sont les Gantelets-de-fer (norr. «Iarn-glôfar), dont il ne peut pas se passer, vu le manche du Mar«teau. Mais personne n'est si savant qu'il puisse raconter tous ses «hauts faits. Cependant je saurais te raconter de lui tant d'histoires « que les heures s'écouleraient avant que j'eusse dit tout ce que j en « sais. » 22. Alors Piétonneur dit : « Je voudrais avoir des renseignements sur les autres Ases. » Sublime répond : «Le second fils d'Odinn est Baldur (Distingué); et il y a sur lu . « beaucoup à dire. Il est le meilleur de tous, et tous l'aiment. Il est « si beau de visage et si brillant, qu'il en resplendit au loin : aussi « une seule herbe est si blanche qu'elle soit comparable aux sourcils « de Baliur ; c'est la plus blanche de toutes les herbes ; et après « cela tu peux juger de sa beauté, tant pour la chevelure que pour e « corps. Il est le plus sage des Ases, et le plus beau parleur, et le plus « clément. Mais la particularité qui lui est attachée, c'est que rien de « ce qui est décidé sur lui, ne saurait être fléchi. Il habite Endroit «nommé Large-Éclat (norr. Breidablik) et qui est au ciel; dans ce « lieu, rien ne saurait être impur : voici ce qui est dit ici : «« Large-Éclat est nommé l'Endroit où Baldur « « S'est préparé ses demeures, ««Dans ce pays, où je sais qu 'il existe «« Le moins de choses pernicieuses. ») 23. « Le troisième Ase est celui qui est appelé Niôrdur (Jaillis« sant) ; il demeure au ciel, à l'Endroit nommé Enclos-de- Ndi (norr. « Nôa-ttîn). Il préside au mouvement du Vent, et modère 1:1 Mer <1 »■ « Feu; c'est lui qu'il faut invoquer pour la navigation et la pêche. Il «possède tant de propriétés et tant de richesses, qu'il peut donner « des propriétés territoriales et des biens mobiliers à ceux qui « l'invoquent pour cela. Il a été élevé dans le Séjour-des- Vanes (norr. « Vanaheimr); mais les Vanes l'ont envoyé en ôtage aux Dieux, et ont «pris en échange, comme ôtage des Ases, le nomméHœnir (Utile); « il servit à la réconciliation des Dieux avec les Vanes. Ni6rd1tr a « épousé la femme qui est nommée Skadi (Pernicieuse), la fille de « l'Iotne Thiassi (Querelleur). Skadi veut avoir sa résidence là où « l'a eue son père, à savoir sur certaines montagnes, à l'Endroit « appelé Séjour-du-Bruissement (norr. Tlirymheimr) ; mais Ni6rd1tr « veut être près de la mer. Ils sont convenus ensemble de ceci, qu'ils « passeraient neuf nuits à Séjour-de-Bruissement, et les trois autres « à Enclos-de-Nôi (Enclos du Nocher). Lorsque Niârdur revint des « montagnes, il prononça ceci : «« Les Montagnes me déplaisent; j'y ai été trop longtemps, «« Neuf nuits consécutives; — ««Le hurlement des loups ma' semblé détestable ««Auprès du chant des cygnes. »» « Alors Skadi prononça ceci : ««Je ne pouvais pas dormir aux lits près de la Mer, ««A cause des cris d'oiseau ; — «« Elle m'éveille, quand elle vient de la plage, «« Chaque matin, la mouette. »» « Alors Skadi remonta dans les Montagnes, et résida à Séjour-de« Bruissement. Elle court beaucoup sur les barres et avec l'arc, et elle « tire sur les bêtes; on la nomme Divinité aux Barres (norr. On dur« gud), ou Déesse-aux-Barres (norr. Ôndur-dîs). Voici ce qui est dit : ««Séjour-de-Bruissement est nommé le lieu qu'habitait Thiassi, «« Cet impétueux Iotne. «« Mais maintenant Skadi , la brillante fiancée des Dieux, habite « « Les anciens Enclos du père.»» 24. « Niôrdur, dans Enclos-de-Nôi, eut, depuis, deux enfants; Je « fils fut nommé Frey (Maître), et la fille Freyia (Maîtresse); tous « les deux étaient beaux de visage et puissants. Frey est le plus illus« tre des Ases; il préside à la pluie, et .aux effets du soleil, et, avec « cela, à la production de la terre ; et il est bon de lui adresser des « vœux pour la moisson et pour la paix. Il préside encore à la fortune « mobiliaire des hommes. Freyia est aussi la plus respectée des Amies« des-Ases. Elle a, au ciel, la Résidence nommée Champs-d'Assemnblée (norr. Fôlkvangar) ; et, aussi souvent qu'elle chevauche au «combat, elle obtient la moitié des occis, et Odinn l'autre moitié, « comme il est dit ici : «« Champ-d'Assemblée èst-il nommé; et là Freyia préside «« Aux choix des siéges dans la Salle; «« Chaque jour elle choisit la moitié des occis ; «« L'autre moitié est à Odinn.»» «Sa demeure est nomméeContient-les-Siéges (norr. Sessrymnir); «elle est grande et belle. Quand elle sort, elle est traînée par deux « chats, et elle est assise dans un char. C'est à elle qu'il convient le « mieux aux hommes d'adresser leurs vœux. De son nom provient «aussi le nom honorifique par lequel les femmes de qualité sont « appelés Freyias (Dames, Maitresses). Elle aimait beaucoup les « chants d'amour; il est bon de lui adresser les vœux pour les incli« nations. » 25. Alors Piétonneur dit : « Ces Ases, ils me semblent grands par eux-mêmes; et il n'est pas « étonnant qu'une grande force vous accompagne, vous qui connais« sez naturellement le caractère des Dieux, et savez quelle prière il « faut adresser à chacun d'eux. Mais y a-t-il encore d'autres Dieux? JI Sublime répond : « Il y a encore l'Ase qui est nommé Tyr (Brillant); il est le plus « hardi et le plus courageux : aussi préside-t-il souvent à la victoire « dans les guerres ; les hommes vaillants font bien de lui adresser «leurs vœux. Il est d'usage de dire que tel est vaillant comme « Tyr (norr. Ty-hraustr), quand il surpasse les autres hommes rt « qu'il ne s'épouvante de rien. Il était encore intelligent, de sorte « qu'on dit de celui qui est intelligent, qu'il est sage comme Tyr « (norr. Ty-spakr). Voici seulement une preuve de sa hardiesse. — « Lorsque les Ases cajolèrent le Loup de Fenrir pour lui attacher le lien « Gleipnir (Étranglant), celui-ci ne voulait leur croire qu'ils le relâ« cheraient, jusqu'à ce qu'ils eussent mis , comme gage, la main de « Tyr, dans sa gueule : et lorsque les Ases ne voulurent plus le relâ« cher, celui-là lui coupa, avec ses dents, la main à l'endroit qu'on r appelle maintenant le Joint-du-Lattp (norr. Ulflidr). Aussi est-il « manchot ; et il n'est nullement appelé le Pacificateur des hommes « (norr. Sœttir manna). » 26. « Un autre est nommé Bragi (Parler) ; il est distingué par son «intelligence et principalement par la volubilité de son élocution et « sa facilité de s'exprimer; il s'entend le mieux en poésie; aussi, «d'après lui, la Poésie est-elle appelée Bragur (Parole); et, d'après « son nom, la personne, homme ou femme, qui surpasse les autres « en facilité d'élocution, est appelée Parole (norr. Bragur) des « hommes ou des femmes. Son épouse est Idunn (Aime-1'Activité) ; « elle garde, dans son écrin, les pommes dans lesquelles les Dieux « doivent mordre, quand ils vieillissent, pour redevenir, ainsi, tous «jeunes: et ainsi il arrivera jusqu'au Crépuscule-des-Grandeurs « (norr. Bagna-rôckur). » Alors Piétonneur dit : «Très-important est, ce me semble, ce que les Dieux confient à « la garde et à la fidélité d'Idunn. » Alors Sublime dit en souriant : CI: Une fois il serait presque arrivé un malheur; je saurais te le ra« conter, mais tu dois maintenant d'abord apprendre les noms des « autres Ases. 27. Il y en a un, nommé Heimdall (Arbre du Séjour) ; il est appelé « l' Ase Blanc ; il est grand et saint; neuf vierges, toutes des sœurs, ti l'ont mis au monde comme leur fils. Il se nomme aussi Hallin« skidi (Bois-Retors) et Dent-d' Oi,(norr. Gullintanni); ses dents étaient ((d'or. Son cheval est nommé Queue-d'Or (norr. Gulltoppr). Il de« meure à l'Endroit nommé Roches-Célestes (norr. Himinbiôrg), près <(de Bifrôst (Voie-Temblotante). Il est le Gardien des Dieux: aussi « est-il assis-là, à l'extrémité du ciel, pour garder le Pont contre les « Géants des Montagnes (norr. Bergrisar). Il lui faut moins de soma:meil qu'à un oiseau; il voit, également, de nuit comme de jour, à «une distance de cent milles; il entend aussi croître l'herbe sur la « terre, et la laine sur les brebis, et tout ce qui bruit plus fort. Il a « la Trompe qui est nommée Corne-de-Giôll (norr. Giallar-horn) ; et «( s'il y souffle, on l'entend dans tous les Séjours. Voici ce qui est t dit ici : ««C'est nommé Roches-Célestes; et là Heimdall u: Préside, dit-on, aux Sanctuaires; «« Là , dans ce beau Couvert, le Gardien des Dieux boit, «« Gaîment, l'excellent hydromel. »D « Et Lui-même dit encore dans l'Enchaniement-de-Heimdall : « « D.e neuf mères je suis le garçon, «« De neuf sœurs je suis le fils, etc.» D 28. « Hôdur (Combat) est le nom d'un autre Ase; il est aveugle, et « il est passablement fort : mais les Dieux voudraient n'avoir pas « besoin de nommer cet Ase, puisque l'œuvre de sa main restera « longtemps dans la mémoire des Dieux et des hommes. » 29. « Vidar (Auguste du Large) est le nom d'un autre ; c'est l'Ase Taciturne: il a le Soulier Épais. Il est presque aussi fort que Thôr ; en « lui les Dieux trouvent un puissant recours dans tous les dangers.» 30. aAli ou Vali (Effrayant) est le nom d'un autre; c'est le fils « d'Odinn et de Rindur (Jaillissante); il est hardi dans les guerres, et « très-habile tireur. » 31. « Ullr (Éclat) est le nom d'un autre ; c'est le fils de Sif (Pa« rente) et le beau-fils de Thôr; il est si bon archer et coureur sur « barres, que personne ne peut lutter avec lui. Il est beau de visage; q et il a lés manières d'un homme d'armes ; il est bon de lui adres« ser des vœux dans le combat singulier. » 32. « Proposant (norr. Forseti) est le nom du fils de Baldur et t de Nanna « (Vigoureuse), fille de Nep (Saillie). Il possède, au ciel, la Salle nommée Étincelante ( norr. Glitnir)\ et tous ceux qui viennent, chez lui, pour « des litiges difficiles, s'en retournent tous réconciliés : c'est le meil« leur Tribunal chez les Dieux et chez les hommes, ainsi qu'il est « dit ici : «« Cette Salle est nommée Étincelante; elle est étayée d'or, ««Et couverte également d'argent; «« Et là Proposant réside la plupart des jours ««Et assoupit tous les litiges.»» 33. « On compte aussi parmi les Ases celui que quelques-uns ap« pellentle Détracteur des Ases, etle Conseiller de Perfidies, et le Déshon« neur de Tous, Dieux et hommes. C'est le nommé (Clôtureur), ou « Loptur(Aérien), fils de l'Iotne Farbauti (Bute Voyage); sa mère est « Lauf-ey (Ile de Feuillage), ou Ndl (Aiguille) ; ses frères sont Byleislr « (Pousse Grain) et Hel-blindi(Très-Sombre). Loki est agréable et beau « de forme, inéchant de caractère, et très-variable dans sa conduite ; il « avait, plus que personne, cette intelligence qu'on nomme astuce, et des « ruses pour toutes choses. Il entraînait toujours lestes dans des diffi« cultés complètes ; souvent aussi il les en a tirés par des moyens de « ruse. Sa femme se nomme Sigyn (Aime-Chute), leur fils, Nâri « (Crépusculaire) ou Narvi. 34. «Loki avait encore plusieurs autres enfants. Angur-bodi « (Signal d'Angoisse) était le nom d'une Géante dans Séjour-des-Iotnes « (norr. Iotunheimr); avec elle, Loki a eu trois enfants: l 'un était « Loup de Fenrir ; l'autre lormungand (Charmeur-Solaire), c'est le « Serpent de l' Enclos-JIitoyen (norr. Midgardr) ; le troisième est Hel « (Mort). Lorsque les Dieux s'aperçurent que ces trois, les frères et la « sœur, étaient élevés dans les Séjours-des-lotnes, et quand les Dieux « se rappelèrent les prédictions, d'après lesquelles un grand dommage « et malheur proviendraient de ces frères et sœur, et que tous crurent «devoir s'attendre, dans eux, à beaucoup de méchanceté, d'abord « du côté de leur mère, et plus encore de celui de leur père, alors « Père-Universel y envoya les Dieux pour enlever ces enfants et les « amener devant lui. Et quand ceux-ci furent venus chez lui, il «jeta le Serpent dans la Mer profonde qui entoure tous les conti«nents; et ce Serpent grandit tellement, que, gisant au milieu de la « Haute Mer, il entoure tous les continents, et qu'il se mord la queue. «Il jeta Hel (Mort) dans le Séjour-Brumeux (norr. Niflheim), et lui « donna l'empire sur le neuvième Séjour, afin qu'elle distribuât tous « les logis entre ceux qui lui seraient envoyés, à savoir les hommes « morts de maladie ou morts de vieillesse. Là elle possède de grands « Manoirs; et ses Enceintes sont prodigieusement hautes et les Grilles « élevées; sa Salle est nommée Espace-de-Tempêtes (norr .Eliudnir), « son Écuelle, Faim (norr. Hungr), son Couteau, Inanition (norr. Sultr), « son Serf, Marche-Lent(norr. Ganglati), sa Serve, Marche-Lente (norr. « Gang-lot), sa Grille, Calamité-Tombante (norr. Fallanda-forat), son « Seuil, Fatigant-de-Souffrance (norr. Thol-modnir), sa Couche, Gra« bat-de-Malade (norr. Kor), son Rideau, Mal-Perçant (norr.Blikianda« bol). Elle est à moitié bleue et à moitié couleur de chair; par là, elle « est reconnaissable; et elle a le visage fort décharné et sinistre. « Les Ases élevèrent le Loup chez eux, et Tyr seul avait la hardiesse « d'aller auprès du Loup pour lui donner à manger. Mais lorsque les « Dieux virent combien il grandissait chaque jour, et que les oracles « énonçèrent qu'il était destiné à leur nuire, les Ases prirent alors « le parti de faire un lien très-fort qu'ils appelaient Insinuant (norr. « Loethingr) ; et ils le portèrent au Loup et l'invitèrent à essayer sa « force contre ce lien. Celui-ci ne paraissait pas excessivement fort « au Loup ; et il les laissa donc faire avec lui comme ils le voulaient. «La première fois que le Loup se piéta, le Lien se brisa; et il se dé« gagea ainsi de l' Insinuant. Après cela les Ases firent un autre lien, « d'une force double, qu'ils appelèrent Serrant (norr. DrfJmi), et ils « invitèrent encore le Loup à. essayer ce lien; et ils lui dirent qu'il « deviendra célèbre par sa force, si un semblable ouvrage extraor« dinaire ne pourra le retenir. Le Loup, de son côté, prit en con« sidération que ce lien était très-fort, mais, en même temps, que, « depuis qu'il avait brisé Insinuant, sa force avait augmenté. Il lui « vint dans la pensée qu'il était obligé de s'exposer au danger, s'il « voulait devenir célèbre , et il se laissa attacher le lien. Et lorsque « les Ases dirent qu'ils avaient fini, le Loup s'agita, se piéta, et fit « tomber à terre le lien brisé, au point que les débris en furent lancés «au loin. C'est ainsi qu'il s'arracha au Serrant. Il est d'usage, de« puis, de dire : se dégager de l'Insinuant, ou s'arracher au Serrant, « quand, pour une chose, on s'efforce ardemment. Après cela, les « Ases craignirent qu'ils ne parvinssent plus à enchaîner le Loup. « Père- Universel envoya alors le varlet qui est nommé Skirnir (Éclair« cit), le Messager de Frey, au Séjour - des - Alfes- Noirs, chez cer« tains Dvergs, et fit faire le Lien qui est nommé Étranglant (non. « Gleipnir). Celui-ci était fait de six choses : de bruit de pas de chat, « de barbe de femme, de racines de montagnes, de tendons d'ours, « d'haleine de poisson, et de salive d'oiseau ; et, bien que tu n'aies «pas connu, antérieurement, ces détails, tu vas bientôt trouver ici « la preuve certaine qu'on ne t'a pas fait de mensonges : f u peux bien «avoir remarqué que la femme n'a pas de barbe, et qu'il ne résulte « pas de bruit du trot d'un chat, et qu'il n'y a pas de racines sous « les montagnes; mais je sais, ma foi! que tout ce que je t'ai dit n'en « est pas moins vrai, bien qu'il y en ait des choses que tu ne puisses « pas expérimenter. J) Alors Piétonneur dit : « Je pourrai me convaincre pleinement que cela est vrai, quand « je verrai les résultats que tu viens d'invoquer comme preuve : mais «ce Lien, ainsi confectionné, comment devint-il?'» Sublime répond : «.C'est ce que je puis bien te dire ; ce Lien devint lisse et souple < comme un lacet de soie, et si solide et fort comme tu vas maintenant l'apprendre. Quand le Lien fut apporté aux Ases, ils remer«cièrent beaucoup le Messager de sa commission. Ensuite les Ases «se rendirent sur le Lac nommé Amsvartnir (Noirci de Peine), dans q un îlot qui est appelé Bruyère (norr. Lyngvi) ; et ils appelèrent à « eux le Loup, lui montrèrent le lacet de soie et l'invitèrent à le « rompre; et ils dirent qu'il était un peu plus solide qu'il n'en avait « l'air, à en juger d'après l'épaisseur ; et chacun le passa à l'autre et y « éprouva la force de ses mains, et il ne fut pas rompu : néanmoins « ils dirent que le Loup le romprait. Alors le Loup répond : «« Il me semble, à voir ce filet, que je ne pourrai pas acquérir ««de la gloire en rompant un lacet aussi mince : mais, s'il est fait «« avec artifice et avec perfidie , bien que cela n'y paraisse guère, ce «« lacet ne touchera pas à mes pieds. »» « Alors les Ases dirent qu'il pourrait facilement rompre ce mince « lacet de soie , lui qui avait auparavant brisé de grandes chaînes de « fer, et «« si tu ne parviens pas à rompre ce lacet, alors tu ne saurais «« être redoutable aux Dieux, et, par conséquent, nous pourrons ««alors te relàcher.»» «Le Loup répond : «« Si vous me liiez de manière que je ne parvinsse plus à me dé«« livrer moi-même, vous vous ririez de moi, de sorte que j'aurais «« à attendre longtemps que vous me vinssiez en aide. Je n'ai donc