LA FASCINATION DE GULFI. 
1. Un roi, Gulfi (norr. Gylfi), gouverna des contrées là où est ce qu'on appelle maintenant la Nation-Svie. On rapporte de lui qu'à une Femme-ambulante, il abandonna, en récompense de son divertissement, autant de terre labourable, dans son domaine, que quatre bœufs laboureraient en un jour et une nuit. Or, cette femme en était une de la race des Ases ; elle est nommée Cafion (norr. Gefmn, Aime - l'Abîme) 1 ; elle prit au Nord, au Séjour-des-Iotnes (norr. lôtun-heim), quatre bœufs, issus d'un lotne et d'elle-même, et les attela à la charrue. Mais la charrue alla si fortement et si profondément, que le terrain fut arraché. Les bœufs entraînèrent ce terrain dehors, dans la Mer, vers l'ouest, et ils firent halte dans un détroit. Là , Gàfion fixa ce terrain et lui donna un nom, et l'appela Bocage-de-Mer (norr. Sœlund). Et à l'endroit où le terrain avait été arraché , il y eut, après, de l'eau ; c'est ce qu'on appelle maintenant le Lac (norr. Lôgr) chez la Nation-Svie ; et, dans ce lac, les enfoncements correspondent aux promontoires dans Bocage-de-Mer. Voici ce qu'énonce le skalde Bragi le Vieux :
(tA Gulfi, libéral de son Roux de l'Abîme, Gâfiun , enleva, joyeuse, «L'Accrue de la Marche-Dane, si bien qu'ardents à courrir ils fumaient, «(En trottant devant la vaste Dépouille, matière de l'Ile agréable) «Ces bœufs, portant, avec huit lunes-frontales, quatre têtes.»
2. Le roi Gulfi était un homme avisé et versé en magie. Il s'étonnait beaucoup que la bande des Ases fût tellement versée, que toutes choses leur allaient à souhait. Il examina en lui-même si cela tenait à leur propre nature, ou si les Divinités puissantes, auxquelles ils sacrifiaient, en étaient la cause. Il entreprit un voyage à Enclos-des-Ases (norr. Asgardr), et. il partit en secret, et revêtit l'extérieur d'un homme vieux, et se déguisa ainsi. Mais les Ases étaient d'autant plus prévoyants qu'ils usaient de divination , et ils s'aperçurent de son voyage avant que lui-même ne fût arrivé ; et ils préparèrent contre lui des illusions de vue. Aussi, quand il entra dans l'Enceinte, il y vit une halle tellement haute, qu'à peine il put voir jusqu'au-dessus d'elle; le toit en était formé de boucliers d'or, à l'instar d'un toit de bardeau. Voici comment Tkiôdôll' de Hvin énonce que la Halle-des-Occis (norr. Valholl) était couverte de boucliers :
«Attaqués, (fu'ils étaient à coups de pierres, les Héros précautionnés, «Firent reluire, sur leur dos, les Écorces de Bouleau de la Salle dl) Svafnir. t)
Gulfi vit^sous la porte de la Halle, un homme qui jouait avec des couteaux à main, dont il avait en l'air sept à la fois. Celui-ci, tout d'abord, lui demanda son nom. Il déclara se nommer Piétonncur (norr. Gangleri) et arriver des Sentiers détournés (norr. Rœfils&tigur). Il demanda qu'on lui assignât un gîte pour la nuit, et il s'informa à qui appartenait cette halle. L'autre répond: que c'était à leur Roi. « Je puis même t'accompagner pour te le faire voir; alors, toi-même, «tu pourras lui demander son nom.)) Là-dessus, cet homme, se retournant, alla, devant lui, dans l'intérieur de la halle, et l'autre )e suivit; et aussitôt les portes se fermèrent sur son talon. LÜ, celui-ci vit mainte allée et mainte bande; les uns jouaient, les autres buvaient, quelques-uns étaient en armes et combattaient. Alors il examina tout, autour de lui ; et maintes choses, qu'if vit, lui parurent incroyables; alors il se dit :
«Toutes les entrées, avant qu'on n'avance.
« Doivent être explorées ;
«Car on ne peut savoir , pour slÎr, s'il n'y a pas d'ennemis «Embusqués dans la demeure. »
Il vit trois siéges élevés et placés l'un au delà de l'autre, et trois hommes y siégeaient, un dans chacun. Alors il demanda quels étaient les noms de ces Chefs. Celui qui l'introduisit répond : que celui qui est assis dans le siége élevé le plus proche, était le Roi; qu 'il se nomme Sublime (norr. Hdr) ; que celui qui est le plus près de lui se nomme Équi-Sublime (norr. Iafnhâr)r et que le plus éloigné se nomme Troisième (norr. Thridi). — Alors Sublime demande à l 'Arrivé quelle est, principalement, son affaire, puisque le manger et le boire lui reviennent de droit comme à tout le monde, ici dans la Halle du Très-haut (norr. Hâvi). Celui-ci déclare qu'il veut surtout examiner s'il y a ici quelque homme savant. Sublime lui déclare qu'il ne sortira pas sain et sauf, à moins qu'il ne soit le plus savant, et:
«Tiens-toi debout, pendant que tu interroges;
«Celui qui répond restera assis.»
3. Piélonneur commence ainsi son interrogation :
« Quel est le plus grand et le plus ancien des dieux? »
Sublime répond :
« Il se nomme Père Universel (norr. Allfôdr), dans notre langage ; « mais dans l'ancien Enclos-des-Ases, il avait'12 noms : le premier «en est Père Universel, le second Herran ou Herian (Aime-Troupe), « le troisième est Nikar ou Hnikar (Hennisseur) ; le quatrième est « Nikuz ou Hnikudr (Vent-Hennissant); le cinquième Fiôlnir (Ca« ché) ; le sixième Oski (A-souhait) ; le septième Omi (Chuchoteur); « le huitième Bif-lîdi ou Yif-lindi(Léger-Frémissement); le neuvième « Svidur (Fascination); le dixième Svidrir (Magicien) ; le onzième « Vidrir (Tempétueux) ; le douzièmelalg oulalkr (Effervescent).» .
Alors Piétonneur demande :
« Où est ce dieu?; et que peut-il?; et quelles œuvres de distinction « a-t-il accomplies?})
Sublime répond :
« II vit dans tous les âges et gouverne tout son Empire, et prend « soin de toutes choses grandes et petites. »
Alors Equi-Sublime ajoute :
« Il a confectionné le ciel et la terre et l'air, et tout ce qui leur « appartient. »
Alors Troisième ajouta :
« Le principal est qu'il a fait l'homme, et lui a donné l'âme qui * vivra et jamais ne périra, bien que le corps se dissolve en pous« sière ou soit brûlé à cendre : et tous les hommes convenablement
« moraux vivront, et seront, auprès de sa personne, là où est ce que « qu'on appelle l'Étincelant (norr. Gimli) ou l' Allée Agréable (norr. « Vingolf); mais les hommes intraitables descendent chez Hel, et, de «là, dans le Hel-Brumeux (norr. Niflhel), qui est, en bas, dans le « neuvième Séjour. »
Alors Piétonneur demanda :
« De quoi s'occupait-il avant que le ciel et la terre fussent faits?» Alors Sublime répond :
C{ Il était alors avec les Thurses-Givreux (norr. ffrimthwsar.) )  4. Piétonneur demanda :
(ç Quel était le Commencement?; et comment cela a-t-il commencé?; « et qu'y avait-il antérieurement?»
Sublime répond :
«Ainsi qu'il est dit dans la Vision de la Louve (norr. Völuspâ): ««C'était à l'Aurore des âges que Rien n'était;
««Il n'y avait ni Sable, ni Mer, ni Ondes fraiches;
««Il ne se trouvait pas de Terre ni de Ciel élevé ;
««Il y avait le Bâillement-desrMâchoires, mais de l'herbe nulle part.»» Alors Equi-Sublime ajouta :
«Maints âges avant que la terre fut créée, il existait déjà le Sé«jattr-Brumeux (norr. Niflhéimr), au milieu duquel se trouve le Puits «qui est appelé Bassin-Bruyant (norr. Hver Gelmir), et de là se «projettent les Eaux qui sont ainsi nommées : Svôl (Froide), Gun« t,hra (Belliqueuse), FiÕrm (Chargée), Fimbul (Étourdissante), Thul « (Murmurante), Slidur (Lente), et Hrîth (Brusque), Sylgur (Ea«gloutissante) et Ylgur (Hurlante), VU (Large), Leiftwr (Jaillis« santé) et Gioll (Retentissante), laquelle est le plus près des Grilles « de Hel (norr. Helgrind). »
Alors Troisième ajouta :
«Antérieurement, cependant, existait dans la Section du sud, le «Séjour qui est nommé Muspett (Gâte-Monde); il est brillaNt et « chaud, au point qu'il est flambant et brûlant ; aussi est-il iia-cces« sible à ceux qui lui sont étrangers et n'y ont pas leur séjour héré« ditaire. C'est le nommé Surtur (Noirci) qui réside à l'extrémité du «Pays, pour la défense du Pays; il a une épée ~; et, à la fin « du monde, il s'avancera pour tout ravager et pour vaincre tous les « Dieux et consumer le Stfour entier par le feu : ainsi est-il dit dans « la Vision de la Lomé :
««Surtur s'élance du Sud avec le Feu des glaives,
«« Le soleil resplendit sur l'épée des Héros d'occision;
«« Les montagnes de roche s'écroulent, les Géantes se précipitent; «« Les Ombres foulent le chemin de Hel; ; puis, le ciel se fend.»»  5. Piétonneur demanda :
« Comment cela était-il arrangé avant que les Races eussent pris « naissance et que la foule des hommes se fût multipliée ? »
Alors Sublime répondit :
« Les Eaux qui sont appelées Vagues Tempétueuses (norr. Elivd« gar), lorsqu'elles se furent tellement éloignées de leur source que ({ le ferment venimeux liquide, qui s'y trouvait, s'endurcit, il s'en « forma de la glace ; et quand cette glace se fixa et ne coula plus, alors «l'humidité qui provenait du venin, se répandit par-dessus, et se « congela en givre ; et les givres s'amoncelèrent les uns au-dessus « des autres, dans le Bdillement-des-Mâchoires (Ginnunga-gap).»
Alors Équi-Sublime ajouta:
« Le Bdillement-des-Mdchoires, du côté tourné vers la région du Nord, «se remplit d'une masse épaisse et lourde de glace et de givre, et, «en dedans, d'humidité et de vents froids; ensuite la partie méri« dionale du Bâillement-des-Mâchoires se dégela à la rencontre des «étincelles et des paillettes qui s'envolaient du Séjour-de-Muspell « (norr. Muspellsheimr, Séjour de Gâte-Monde). »
Alors Troisième ajouta :
« De même que du Séjour-Brumeux provenait le Froid et toutes « les Choses glacées, de même, ce qui était tourné vers le voisinage de Muspell (Gâte-Monde), était chaud et luisant. Aussi le « Bâillement-des-Mâchoires était-il tiède, comme l'air calme, là où le «souffle de la chaleur atteignit le givre, de sorte qu'il s'amollit et « se fondit en gouttes ; et par ces gouttes vives il fut vivifié avec la « puissance du souffle qu'envoya la chaleur, et il se forma une figure « d'homme; et ce fut le nommé Ymir (Murmurant), le même que les « Thurses-Givreux appellent Or-Gelmir (Très-Bruyant) ; et les races « des Thurses-Givreux en sont provenues, ainsi qu'il est dit dans la Il Petite Vision de la Louve :
««Toutes les Louves proviennent de Loup-du-Bois (Vid-olfr); ««Tous les Sorciers de Bois-de-Malheur (Vil-meidr);
««Mais les Porte-Crible de Tête-Noire (Svart-hôfthi),
« (t E/ tous les lotnes de Ymir.»»
«Voici encore ce que répondit l'Iotne Vafthrûdnir, lorsque Mar« cheur (Gangleri) lui demanda :
«D'où est-il venu, Ôr-Gelmir, parmi les Fils des Iotnes.
«Au commencement? Iotne savant!» :
««Lorsque des Vagues-Tempêtueuses jaillirent les Gouttes de venin.
««Cela grandit jusqu'à ce qu'il en sortit un Iotne ;
«« A lui remontent ensemble toutes nos Races;
««C'est pourquoi, toutes, sont toujours par trop féroces.»»  Alors Piétonneur demanda :
« Comment les Races s'augmentèrent-elles ensemble après? « Comment s'est-il fait qu'il y eût plusieurs individus? — et le crois« tu Dieu celui dont tu viens de parler?»
Alors Sublime répondit :
« D'aucune façon nous n'affirmons qu'il soit Dieu ; il était méchant, « de même que tous les individus de sa race, que nous appelons «. Thurses-Givreux; et il est dit que, lorsqu'il dormit, il lui prit une « sueur; alors il lui naquit, sous la main gauche, un Homme et une «Femme ; et un pied engendra, avec l'autre, un Fils; et de iii pro« vinrent les Races; ce sont les Thurses-Givreux ; le vieux Thurse« Givreux, c'est celui que nous appelons Ymir (Murmurant). î> 6. Alors Piétonneur demanda :
« Où s'établit Ymir? et de quoi vivait-il ?»
Alors Sublime répondit :
« Lorsque le Givre fondit en gouttes, il arriva aussitôt qu'il en na« quit la Vache qui est appelée Aud-humla (Bourdonne-du-Désert) ; « quatre torrents de lait coulèrent de ses trayons, et elle nourrit Ymir (Murmurant). »
Alors Piétonneur demanda :
« De quoi se nourrissait la Vache?»
Sublime répond :
« Elle léchait les roches de givre qui étaient salées; et, le premier «jour qu'elle lécha ces roches, il sortit d'une roche, sur le soir, la « chevelure d'un homme; le jour suivant, la tête de l'homme ; le «troisième jour, il y avait l'homme tout entier: c'est le nommé « Buri (Manant); il était beau de visage, grand et puissant. Il rll« gendra le fils qui s'appelait Bâr (Fils); celui-ci épousa la femme « qui s'appelait Beitsla (Pousse-Grain), la fille de l'Iotne Böl-Thorn « (Épine Malfaisante; Malespine); et ils eurent ensemble trois lils :
« l'un s'appelait Odinn (Agitant), l'autre Vili (Désiré), le troisième Vê « (Sacré) ; et c'est là ma croyance que cet Odinn-ci, avec ses frères, «va être le Gouverneur dit Ciel et dé la Terre; nous pensons qu'il « puisse être ainsi appelé ; ainsi est appelé l'Homme que nous con« sidérons comme le plus grand et le plus illustre; — et on peut bien « lui laisser ce nom. »
7. Alors Piétonneur demanda :
« Qu'est-ce qui maintint alors la paix entre eux?; ou bien lesquels « furent les plus puissants ? »
Alors Sublime répond :
« Les Fils de Bor frappèrent à mort l'Iotne Ymir (Murmurant) ; et « lorsqu'il tomba, il découla de ses blessures tant de sang, qu'ils y « noyèrent toute la race des Thurses-Givreux, à l'exception d'un seul, « qui échappa avec sa femme ; les Iotnes le nomment Ber-Gelmir « (Entièrement-Bruyant) ; il monta sur une outre, avec sa femme, et « se sauva là-dessus, si bien que -de lui sont provenues les Races des
« Thurses-Givreux, ainsi qu'il est dit ici :
««Dans la rigueur des hivers, avant que la terre fût formée, ««Ber-Gelmir fut engendré ;
««Mon plus ancien souvenir, c'est que cet Iotne intelligent ««Fut placé sur une outre.»»
8. Alors Piétonneur reprend :
« Qu'entreprirent alors les Fils de Bor, si tu crois qu'ils sont des « dieux? »
Sublime dit :
« Il n'y a pas peu de choses à dire d'eux : ils prirent Ymir (Mur« murant) et le traînèrent au milieu du Bdillement-des-JJfdchoires, « et firent de lui la Terre, et de son sang la Mer et les lacs ; la terre « fut faite de sa chair, les rochers de ses os ; les pierres et les mo« raines, ils les firent de ses dents, et de ses molaires, et de ses os qui « avaient été brisés.»
Alors Équi-Sublime ajouta :
« Du sang qui s échappa des blessures et coula librement, ils en « firent la Mer, avec laquelle ils ceignirent et continrent ensemble Il la Terre; et ils placèrent cette Mer en anneau autour d'elle; à la « plupart des hommes il doit paraître impossible de la franchir. »
Alors Troisième ajouta :
« Ils prirent aussi son crâne et en firent le Ciel, qu'ils placèrent
« au-dessus de la Terre, sur quatre bouts ; et, dans chaque coin, ils «placèrent un Dverg (Nain); ceux-ci se nomment ainsi : Oriental « (Austri), Occidental (Vestri), Septentrional (Northri), Méridional « (Suthri). Alors ils prirent les paillettes et les étincelles qui volti«geaient librement et avaient été lancées du Séjour-de-Muspell « (Muspels-heimr, Séjour de Gâte-Monde), et ils les placèrent vers « le milieu de l'Abîme, au ciel, tant en haut qu'en bas, pour « éclairer le Ciel et la Terre. Ils assignèrent une demeure à tous ces «Feux; à quelques-uns dans le ciel; d'autres erraient librement « sous le ciel ; ils leur assignèrent aussi une demeure et détermi« nèrent leur course. Ceci est dit dans les anciens documents que, « par là, les journées et le nombre des années furent distingués ; « ainsi qu'il est dit dans la Vision de la Louve :
« «Sôl ne le savait pas où elle avait sa demeure ;
««Mâni ne le savait pas, quel côté il occuperait;
««Les Étoiles ne le savaient pas où elles auraient leur place.»»
. « Voilà comme c'était avant qu'on n'eût arrangé la Terre.» Alors Piétonneur dit :
« Ce sont de grandes Merveilles que je viens d'entendre; c'est une « Œuvre prodigieusement grande et faite avec habileté. »
« Comment la Terre fut-elle arrangée?»
Alors Sublime répond :
«Elle est circulaire extérieurement, et autour d'elle se trouve la Mer «profonde; et les pays près de la rive de la mer, ils les donnèrent « à habiter aux races des Iotnes; mais en deça, sur la terre, ils con« struisirent, autour du Séjour, une Enceinte contre l'hostilité des « Iotnes; et pour cette Enceinte ils employèrent les sourcils de l'Iotne « Ymir (Murmurant) ; et ils appelèrent cette Enceinte l Enclos Mioctoyen (Mid-gardr). Ils prirent aussi sa cervelle et la jetèrent dans « l'air, et en firent les Nuages, ainsi qu'il est dit ici :
««De la chair d'Ymir, la Terre fut formée;
««Du sang, la Mer;
««Des os, les Rochers; des cheveux, les Arbres;
««Et du crâne, le Ciel :
«« Mai s de ses sourcils, les Grandeurs bénignes firent
« « L'Enclos-Mitoyen, pour les fils des homm es :
««Et de sa cervelle, ces sombres Nuages
««Furent tous formés.
9. Alors Piétonneur dit :
«Il me semble qu'il y avait alors une grande besogne de faite « quand la Terre eut été créée, et que le Soleil et les Astres du ciel « eurent été placés, et les journées distinguées. —
« Mais d'où sont venus les hommes qui habitent ce Séjour-ci?» Alors Sublime répond :
« Lorsque les Fils de Bor marchèrent le long de la rive de la Mer, (1 ils trouvèrent deux troncs d'arbre ; et ils relevèrent ces troncs, et « en formèrent des hommes. Le Premier donna l'âme et la vie ; le «Second, l'intelligence et le mouvement; le Troisième, la parole, I( l'ouïe et la vue; ils leur donnèrent des habits et des noms. L'homme « fut nommé Ask (Frêne), et la femme Embla (Orme); et d'eux na« quit le Genre humain, auquel fut donné une habitation au dedans « de l'Enclos-Mitoyen (Mid-gardr).
« Après cela ils se construisirent, au milieu du Séjour, une En« ceinte qui est appelée Enclos-des-Ases (As-gardr). Là se sont établis « les Dieux et leurs races; et là eurent lieu beaucoup d'aventures et Il de disputes, tant sur terre que dans l'air. Il y a un Endroit qui est « nommé Hlid-skialf (Chaumine aux Portes) ; et toutes les fois qu'O-« dinn était assis là, dans le siége élevé, il voyait tous les Séjours, « et l'occupation de tout homme; et il savait toutes les choses qu'il « avait vues. Sa femme s'appelait Frigg (Pluie), la fille de Fiorg-vin « (Aime-Pluie) ; et de leur race est provenue cette Génération que « nous appelons les Familles des Ases (Soutiens), qui ont habité l'an-Il cien Enclos-des-Ases et les Empires qui en font partie ; et toute cette « Famille est de race divine. Aussi mérite-t-il qu'on l'appelle Père « Universel, puisqu'il est le Père de tous les Dieux, des hommes et « de tout ce qui a été accompli par lui et par son énergie. Cette Terre « (lord) était sa fille et sa femme; et il se fit d'elle son premier fils, «qui est Thôr-des-Ases; il fut doué de force et de vigueur; par « là il vainc tous les vivants. »
10. «Norvi ou Narvi (Crépusculaire) était le nom d'un lotne qui « habitait les Séjours-des-lotnes. Il avait une Fille qui s'appelait Nuit « (Nôtt). Elle était noire et sombre comme la race dont elle prove« venait ; elle fut mariée à l'homme qui s'appelait Naglfari (Au Na-Il vire d'Ongles); leur fils s'appelait Audur (Inculte). Après cela, elle fut « mariée à un nommé Onar (Épouvantable) ; Terre (lord) était le nom « de leur fille. En dernier lieu elle épousa Dellingr (Issu de l'Arbre),
« de la race des Ases; leur fils était Jour (Dagr); il était luisant «et beau, par son père. Alors Père-Universel prit Nuit et le Fils « de celle-ci, Jour, et leur donna deux chevaux et deux chariots, et « les plaça au ciel, afin qu'ils fissent, chaque fois, en un jour et une « nuit, le tour de la terre. Nuit chevauche au devant, sur le cheval qui « est nommé Crin-Givreux (Hrimfaxi), et qui, chaque matin, arrose la « terre des gouttes de son mors. Le cheval que Joui- possède est « appelé Crin-Luisant (Skinfaxi), et il éclaire de sa crinière l'air « entier et la terre. »
11. Alors Piétonneur demanda :
« Comment dirige-t-il la marche du soleil et de la lune?» Sublime répond :
« L'homme qui est nommé Mundilföri (Faisant le Tour), avait deux « enfants. Ils étaient si beaux et si agréables, qu'il appela l'un Aldni « (Lune) et sa fille Sôl (Soleil), et fiança celle-ci à l'homme qui « s'appelait Glenr (Bijou). Mais les Dieux furent irrités de cette ou« trecuidance ; et ils prirent le frère et la sœur et les placèrent au « ciel. Ils chargèrent Sôl de pousser les chevaux qui traînaient le « char du soleil, que les Dieux, pour éclairer les Séjours, avaient « formé d'une paillette qui s'était envolé du Séjour de Muspell « (Gâte-Monde). Ces chevaux s'appellent ainsi: Matinal (Ar-vakr) « et Tout-Alerte (AI-svidr); et, sous les épaules de ces chevaux, les « Dieux placèrent deux soufflets pour les rafraîchir; et, dans quel« ques documents, cela est nomm é Fer- Réfrigérant (Isarn-kol). « Mdni dirige la marche de la lune, et préside aux Renouvellements « et aux Décours. Il enleva de la terre deux enfants, qui s'appelaient «ainsi: Bil (Nuée) et Hiuki (Neigeux), lorsqu'ils revinrent du Puits « qui est nommé Byrgir (Assuré), et qu'ils portèrent sur leurs épaules « le seau appelé Sœgr (Affluence) et la perche Simul (Joug). Vidfinn « (Finne des Bois) est le nom de leur père : ces enfants suivent «1Jfdni, ainsi qu'on peut le voir de la terre. »
12. Alors Piétonneur dit:
<iSôl court vite, et presque comme si elle était effrayée; et elle « craindrait sa mort, qu'elle ne pourrait accélérer davantage sa « course. »
Alors Sublime répond :
« Cela n'est pas étonnant qu'elle coure précipitamment; Celui qui
(( la poursuit est peu éloigné; et elle n'a pas d'autre moyen que «d'échapper en courant.»
Alors Piétonneur demanda :
« Qui est-ce qui lui cause ce désagrément?»
Sublime répond :
« Ce sont deux loups ; et celui qui court après elle s'appelle Skôll «(Ricaneur); elle le redoute, et il l'atteindra; mais c'est le nommé •< Hati (Haineux), le fils de Hrôd-vitnir (Présage de Dévastation), qui « court devant elle, et il veut atteindre la lune; — et cela arrivera « ainsi. »
Alors Piétonneur demanda :
« Quelle est la race de ces Loups? »
Sublime dit :
«Une Gygur (Ensorcelée) habite à l'orient de l'Enclos-Mitoyen, « dans la Forêt qui est nommée Bois-de-Fet, (Iarn-vidr). Dans cette «Forêt habitent ces Femmes-Fantômes (norr. Troll-konur), qu'on « nomme Celles du Bois-de-Fer (Iarnvidiar). Cette vieille gygur eut pour fils beaucoup iïlotnes, tous avec des corps de loup; et « c'est d'elle que sont aussi provenus ces loups-là; et il a été prédit «que, de cette race, celui qui est appelé Mâna-Garmur (Hurleur - « de Mâni) sera le plus puissant. Il se gorge de la vie de tous les « hommes qui dépérissent; et il avale la Lune, et asperge de sang le I( Ciel et l'Air entier : par là le Soleil perd son éclat, et les Vents sont « alors déchaînés et mugissent à gauche et à droitq. Ainsi il est dit « dans la Vision de la Louve :
«« A l'Orient habite la Vieille dans le Bois-de-Fer,
« « Et y engendre des parents de Fenrir ;
«« Parmi eux, se distingue, entre tous,
«« L'Avaleur du Disque, sous la dépouille de loup.
««Il se gorge de la vie des hommes lâches :
«« Il rougit de sang rouge les Habitations des Grandeurs ;
«« Les splendeurs du Soleil deviennent sombres, l'été suivant ;
« « LesTempêtes seront toutes féroces. Savez-vous encore quoi?» » 13. Alors Piétonneur demanda?
« Quel est le chemin de la terre au ciel ? »
Alors Sublime répond en souriant :
« Ce n'est pas là questionner en sage. --- iNe t'a-t-on pas dit que
« les Dieux ont fait un Pont, de la terre au ciel, et qu'il est nommé uBif-rôst (Voie-Tremblotante)? Tu dois l'avoir vu; peut-être que, <(toi, tu l'appelles Arc-en-ciel. Il a trois couleurs; et il est très-so«lide, et fait avec plus d'art et d'habileté que les autres ouvrages : « et, bien qu'il soit solide, il se rompra pourtant, quand les Fils de « Muspell (Gâte-Monde) y passeront à cheval ; leurs chevaux traver« sent aussi, en nageant, les grands Fleuves; c'est ainsi qu'ils poussent « en avant. »
Alors Piétonneur dit :
« Les Dieux, ce me semble, n'ont pas construit de bonne foi ce « pont, puisqu'il pourra se rompre, eux qui peuvent faire comme « ils veulent. »
Alors Sublime dit :
« Les Dieux ne méritent pas ce reproche pour cet ouvrage. Bif« rosi est un excellent pont; mais, dans ce Séjour, il n'y a rien sur « quoi l'on puisse faire fond, lorsque les Fils de Muspell feront ir« ruption. »
14. Alors Piétonneur dit :
« Qu'a entrepris Père- Universel quand l' Enclos des Ases fut achevé?» Alors Sublime dit :
« Au commencement, il établit des Gouverneurs, et leur ordonna « de décréter la Destinée des hommes, et de se concerter sur l'ar« rangement de cette Enceinte. Cela se fit dans ce qu'on appelle la « Plaine d'Idi (Ida-vôllr), au milieu de l'Enceinte. Leur premier «ouvrage ce fut de construire un Temple (norr. Hof), où sont placés « leurs siéges, douze, outre le siége élevé qu'occupe Père-Universel. « Cet édifice est ce qu'on a fait de mieux, sur terre, et de plus grand : « on dirait que tout en est, extérieurement et intérieurement, rien « que de l'or; c'est dans l'Endroit que les hommes appellent Sé« jour-Joyeux (Gladsheimr). Ils construisirent une seconde Salle ; « e'était là un Sanctuaire (norr. horgr), qu'occupèrent les Déesses ; «elle était aussi toute belle. Cet édifice, les hommes l'appellent « Allée-Agréable (Vin-golf). Ce qu'ils firent après cela, c'est qu'ils « placèrent des fours; et, en même temps, ils fabriquèrent des « marteaux, des tenailles et des enclumes, et, moyennant cela, « tous les autres instruments : ensuite ils façonnèrent le métal, les « pierres et le bois, et, en si grande quantité, le métal qui s'ap« pelle or, qu'ils eurent, en or, tous les ustensiles de ménage; aussi
« cet Age est-il nommé l'Age d'or, jusqu'à ce qu'il fut gâté par l'ar« rivée des Femmes qui vinrent des Séjours-des-lotnes.
« Après cela les Dieux se placèrent sur leur siéges et prononcèrent « leurs jugements : ils se rappelèrent aussi par quoi les Dvergs (Nains) « avaient été vivifiés dans la poussière et en bas dans la terre, comme c des vers dans la chair. Ces Dvergs avaient d'abord pris forme et vie «dans la chair d'Ymir (Murmurant), et ils étaient alors des vers. « Mais, par décision des Dieux, ils furent doués d'intelligence hu« maine, et ils eurent la forme humaine. Ils habitent cependant en« core dans la terre et dans les rochers. Modsognir (Moraine) fut le « Premier Dverg, et Durinn (Sommeillant) le Second. Voici ce qui est it dit dans la Vision de la Louve :
««Alors les Grandeurs allèrent toutes aux Siéges-nébuleux;
««Les Dieux très-saints ceci encore se rappelèrent,
««Qu'il fallait former le Peuple des Dvergs,
««Du sanglant Brimir (Frémissant) et des cuisses de Blainn (Bleui). « « Alors mainte forme humaine fut achevée,
""Les Dvergs, dans la terre, comme Durinn l'avait indiqué.
« Elle énonce aussi les noms de ces Dvergs:
««Nyi (Renouvelé), Nidi (Décursif), Nordri (Septentrional), Sudri (Méridional), ««Austri (Oriental), Vestri (Occidental), Althiofr (Très-voleur), Dvalinn (Défaillant), auNâr (Incliné), Nâinn (S'inclinant), Nipingr (Issu de Nep), Dâinn (Assoupi)? ««Bivorr (Bièvre), Bavurr (Favre), Bumburr (Bombé), Nori (Crépusculaire).
« «An (Peiné), Anar(Deuxième),Ainn (Craintif), Midd-vitnir (Indique Miel), ««Veigr (Vigueur), Gand-alfr (Alfe-Sorcier), Vind-alfr (Alfe-Vent), Thorinn (Osé), ««Fi li (Caché), Kili (Frappé), Fundinn (Trouvé), Vali (Mortuaire),
MI Thrôr (Soutenant), Thrâinn (Persistant), Thekkr (Accepté), Litr (Couleur), Vitr (Prévoyant), ««Nyr (Nouvel), Nyradr (Renouvelant), Regin (Puissance), Râdsvidr (Prompt-Conseil.)»»
Il Voici encore des Dvergs; et ceux-ci habitent dans des rochers, « mais les précédents dans la terre :
«« Draupnir (Dégouttant), Dolg-thvari (Repousse-Ennemi), ««Hâr (Sublime), Haugspori (Foule-Butte), Hlevangr(Pré-Clair), Gloînn (Luisant), «(IDori (Endormi), Ori (Nouveau), Dûfr (Plongeur), Andvari (Vigilant), «((Hepti (Piége), Vili (Trompeur), lIanar (Enchanteur), Svïarr (Rapide). »
« Voici ceux qui sont venus de la Butte-de-Svarinn jusqu'à Aur« van g s (Prés Humides), dans la Plaine de Iora; et de là ils sont « venus à Lofarr ; voici leurs noms :
««Skirvir (Skirvire), Virvir (Virvire), Skafidr (Façonné), Ai (Aquatique). « «Alfr (Brillant), Ingi (Issu de Sublime), Eikin-sk{alldi (Habite-Chêne), « «Fialar (Montagnard), Fros^'(Froidure), Finnr(Finne), Ginnarr(Fascinateur).
15. Alors Piétonneur dit :
« Où est le Lieu principal et le Lieu sacré des Dieux ? » Sublime répond :
«C'est auprès du Frène d'Yggdrasill ; là les Dieux prononceront « leurs jugements tous les jours. »
Alors Piétonneur dit :
« Qu'y a-t-il à dire de ce lieu ? »
Alors Équi-Sublime ajoute:
« Ce frêne est de tous les arbres le plus grand et le meilleur : ses « branches s'étendent par-dessus le Séjour entier, et s'élèvent ;ui« dessus du ciel. Les trois racines de cet arbre le soutiennent, d « s'étendent bien au large. L'une est chez les Ases, l'autre chez les « Thurses-Givreux, là où antérieurement était le Bâillement-des« Mâchoires, et la troisième se trouve au-dessus du Séjour-Brumeux : «et sous cette racine est le Bassin-Bruyant (Hver-Gelmir), et « Nid-hogg (Frappe de Colère) ronge en bas cette racine. Mais sous « la racine, qui est dirigée vers les Thurses-G Givreux, se trouve la <( Fontaine de Mimir, où l'Intelligence et la Sagesse humaine sont (1 renfermées ; et celui qui possède cette Fontaine s'appelle Mimir « (Ruisselant) ; il est plein de connaissances, parce qu'il boit, à retir «Fontaine, dans la Corne appelée Corne de Giôll (Giallar-horu ). « Père-Universel y vint aussi et demanda à boire un coup de celte
« Fontaine ; mais il n'obtint rien avant qu'il n'eût placé en gage son « œil. Voici ce qui est dit dans la Vision de la Louve :
««Je sais tout, Odinn ! où tu as caché l'œil,
««Dans cette illustre Fontaine de Mimir;
««Chaque matin Mimir boit l'hydromel ««Dans le gage du Père-des-Occis. Mais savez-vous encore quoi? »t)
« La troisième racine de ce Frène se trouve au ciel -, et sous cette « racine est la Fontaine qui est éminemment sacrée et qu'on appelle « la Fontaine d'Urdltr. C'est là que les Dieux ont leur Lieu de Juge« ment. Chaque jour les Ases s'y rendent à cheval par Bifrost (Voie« Tremblotante), qui est encore nommé Pont-des-Ases. Les Chevaux « de ces Ases sont ainsi nommés : Sleipnir (Coulant) est le meil« leur; il appartient à Odinn, et il a huit jambes; le second est « Joyeux (norr. Gladr) ; le troisième Doré (norr. Gy/tir); le quatrième « Clair (norr. Gler) \ le cinquième Skeid-brimir (Frémit-à-Courir); « le sixième Queue d'Argent (norr. Silfrin-toppr) ; le septième Sinir « (Nerveux) ; le huitième Gisl (Fouet) ; le neuvième Fal-hôfnir (Sa« bot-Jaune); le dixième Queue Dorée (norr. Gull-toppr); le onzième « Pied Léger (norr. Lett-feti) \ le cheval de Baldur fut brûlé avec « lui; et Thôr va à pied au Tribunal; et il traverse à gué les Eaux qui « sont ainsi nommées :
« Kormt et Ôrmt et les deux Bains de Bassin,
« Thôr doit les passer à gué,
« Chaque jour, qu'il ira siéger
« Auprès du Frêne d'Yggdrasill ;
« Car le Pont-des-Ases jette partout des flammes;
« Les Eaux sacrées bouillonnent. »
Alors Piétonneur dit :
« Un feu brûle-t-il sur Bif-rôst (Voie-Tremblotante) ? » Sublime répond :
« Ce que tu vois de rouge dans l'Arc-en-ciel, c'est du feu brûlant. « Les Thurses-Givreux et les Géants des Montagnes (norr. Bergrisar) « monteraient au ciel, si le passage était libre, sur Bif-rôst, à tous « ceux qui voudraient passer. Il y a, au ciel, beaucoup de beaux En« droits ; et tout y est bien garanti. Il y a là une belle Salle, sous le « Frêne, près de la Fontaine ; et de cette Salle sortent les trois Vierges « qui s'appellent ainsi : Passée (norr. Urdr), Présente (norr. Vërdandi),
« Future (norr. Skuld). Ces Vierges déterminent aux hommes la durée « de la vie ; nous les appelons Nornes (Salutaires). Il y a différentes « Nornes; elles se rendent auprès de chaque homme qui vient de « naître, pour déterminer la durée de sa vie ; et les unes sont de la race « des Dieux ; les autres, de la famille des Alfes; les troisièmes, de la « famille des Dvergs ; ainsi qu'il est dit ci-dessous :
«« Les Nornes , je pense, sont très-différemment nées;
«« Elles n'ont pas, ensemble, la même famille;
« « Qui sont parentes des Ases; qui sont parentes des Alfes;
«« Qui sont filles de Dvalinn.»»
Alors Piétonneur dit :
« Si les Nornes président aux destinées des hommes, elles font le « partage immensément inégal, puisque les uns ont la vie opulente « et considérée, les autres ont un fief et un renom petits ; les uns, la « vie longue, les autres, brève. »
Sublime répond :
« Les Nornes bienveillantes et d'une race bonne, procurent la vie « bonne ; mais quand les hommes tombent dans le malheur, alors les « Nornes malveillantes en sont la cause. »
16. Alors Piétonneur dit :
«Y a-t-il encore d'autres Merveilles à raconter du Frêne?» Sublime répond :
« Il y en a beaucoup à raconter. Un Aigle est assis, solitaire, sur les «branches de ce Frêne ; et il sait mainte chose ; et entre ses yeux « lui est assis l'Autour qui est nommé Vethur-fôlnir (Redouté des « Tempêtes). L'Ecureuil, qui est nommé Ratakôstr (Camarade du Rat), « monte et descend le long du Frêne, et rapporte les paroles haineuses « entre l'Aigle et Nidhôgg (Frappe de Colère). De plus, quatre Cerfs « courent sur les branches du Frêne, et en broutent le feuillage. Ils « s'appellent ainsi: Ddinn (Assoupi), Dvalinn (Défaillant), Dunn-eir « (Apaise-Bruit), Dllra-thrôr (Somnolent). De plus, il y a des Ser«pents tellement nombreux dans Hvergelmir (Bassin-Bruyant), au«près de Nidhôgg, qu'aucune langue ne saurait les compter. Voici « ce qui est dit :
««Le Frêne d'Yggdrasil endure une souffrance
«« Plus grande qu'on ne le sait;
«« Le Cerf le broute d'en haut, de plus il pourrit sur les côtés ;
««Nidhögg l'endommage d'en bas. »»
« Il est encore dit ainsi :
«« Sous le Frène d'Yggdrasil gisent plus de Serpents
«« Que ne l'imagine quelqu'un des fous ignorants:
« « Gôinn et Môinn, qui sont les fils de Graf-vitnir,
«« Dos-gris et Peau-grise,
«« Ofnir et Svafnir rongeront, j'imagine, toujours
(«(Les rameaux de l'Arbre. }»)
« Il est encore dit que les Nornes, qui habitent auprès de la Fon« taine-de-Passée, prennent, chaque jour, à cette Fontaine, de l'eau, «ainsi que l'humidité qui se trouve autour de la Fontaine, et les ré« pandent sur le Frêne, afin que les branches n'en dessèchent et ne « pourrissent. Et cette eau est si sacrée que toutes les' choses, qui « entrent dans cette Fontaine, deviennent aussi blanches que la pel«licule appelée périgone, qui recouvre intérieurement la coque des « oeufs. C'est ce qui est dit ici :
«« Je sais un Frêne nommé d'Yggdrasil,
««Un saint Arbre blanchi par l'humidité brillante ;
«« De là proviennent les rosées qui tombent dans les vallons ;
«« Il se dresse, toujours vert, au-dessus de la Fontaine-de-Passée. »» « La rosée qui en tombe à terre, on la nomme la Tombée de miel « (norr. Hunangs-fall), et les mouches à miel s'en nourrissent.
« Deux oiseaux sont nourris dans la Fontaine-de-Passée; on les « appelle Cygnes; et de ces oiseaux provient cette espèce d'oiseau « qui s'appelle ainsi.  »
17. Alors Piétonneur dit:
(c Tu sais donner beaucoup de renseignements sur le ciel : y a-t-il « encore d'autres Endroits principaux outre celui près de la Fontaine« de-Passée*! »
Sublime répond :
« Il y a là plusieurs Endroits célèbres ; tel est l'Endroit particulier « situé dans ce qu'on appelle le Séjour des Alfes (norr. Alfheimr); « là habite lePeuple qui se nomme Alfes-Lumineux (norr. Lios-alfar); « les Alfes-Sombres (norr. Dôck-alfar), au contraire, habitent plus « bas, dans la terre; et ils diffèrent des autres par l'extérieur ; ils en ,K diffèrent plus encore par les talents. Les Alres-Lumineux ont un « aspect plus beau que le soleil, mais les Alfes-Sombres sont plus « noirs que la poix.
« 11 y a là principalement un Endroit qu'on appelle Large-Êcla/ Il (norr. Breidablik); et nul endroit n'y est plus beau.
« Il y a encore celui qui est nommé Étincelant (norr. Glilnir) ; cl « les parois et les étais et les piliers en sont d'or rouge, et le toit en « est d'argent.
« Il y a encore l'Endroit qui est nommé Roches du Ciel (norr. l/imin« biôrg) ; il se trouve à l'extrémité du ciel, près de la tête du pont, « là où Bif-rost (Voie-Tremblotante) touche au ciel.
'« Il y a encore un Endroit considérable qui est nommé Vala-skiall «(Chaumine de Vali); cet Endroit appartient à Odinn; les Dieux l'ont « construit et couvert d'argent pur; c'est encore dans cette Salle «que se trouve Hlid-skialf (Chaumine aux Portes), ce siége élevé « qui porte ce nom ; et quand Père- Universel est assis sur ce siège, « il a vue sur le Séjour entier.
« A l'extrémité méridionale du ciel est la Salle la plus belle de « toutes, et qui est plus brillante que le soleil; elle est nommée Gimli « (Brillant) ; elle restera debout encore que le ciel et la terre auront « passé; et les hommes justes et de bonne conduite habiteront cet « Endroit, pour toujours. Voici ce qui est dit dans la Vision de la « Louve :
««Je sais une Salle qui s'élève, plus brillante que le Soleil ««Et plus riche que l'or, dans le sublime Gimli :
«« Là des Peuples vigoureux devront habiter,
««Et, pour l'éternité, jouir d'agréments. »»
Alors Piétonneur dit :
« Qu'est-ce qui préserve cet Endroit quand la Flamme de Surti « (Noirci) brûle le ciel et la terre? »
Sublime répond :
« Il est dit que, à côté de ce ciel-là, il y a un second ciel, et que «ce ciel-ci est nommé And-lang (Allongé); et qu'il y a encore, il « côté de ceux-ci, un troisième ciel, et que celui-ci est nommé Vfd« blainn (Bleu-au-Large) ; et dans ce ciel-ci nous pensons que se « trouve cet Endroit ; et nous pensons que les Alfes-Lumineu.l' seuls « habitent maintenant ces lieux. »
18. Alors Piétonneur dit :
« D'où vient le Vent ? — il est tellement fort qu'il remue de grandes «mers et qu'il excite le feu; et tout fort qu'il est, personne ne peul « le voir, parce il est merveilleusement conformé. »
Alors Sublime répond :
« Je sais bien te dire cela. A l'extrémité septentrionale du ciel est «assis l'Iolne qui se nomme Hrœ-svelgr (Dévore-Charogne); il est re« vêtu de la robe d'aigle : quand il renforce les coups de penne, alors « les vents sortent de dessous ses ailes. Voici ce qui est dit ici :
«« Hraesvelg est nommé celui qui est assis à l'extrémité du ciel, «« L'Iotne en robe d'aigle :
««De ses ailes passe, dit-on, le Vent
«« Sur tous les hommes.»»
19. Alors Piétonneur dit :
« Par quoi s'est faite une différence telle que l'Été soit devenu « chaud, et l'Hiver froid?))
Sublime répond :
« Un savant ne ferait pas cette question, puisque tous savent ex« pliquer cela. Mais, bien que tu sois si peu instruit que tu n'aies pas « compris cela, je tiens cependant à honorer ceci que tu préfères « adresser une fois une question peu sage, plutôt que de rester plus « longtemps ignorant sur ce qu'on devrait savoir. — Souffle-Doux « (norr. Svas-udr) est nommé celui qui est le père d'Été(norr. Sumar); « et il mène une vie heureuse, au point que, d'après son nom, on « appelle doux (norr. svasligt) ce qui est agréable. Mais le père d'Hiver « (norr. Vetr) est différemment appelé, ou Messager des Vents (norr. « Vind-liôni) ou Vent-Frais (norr. Vind-svalr) ; il est le fils de Soufflet( Frais (norr. Vasudr); et tous ceux de cette race sont violents et ont « l'haleine froide; et l'Hiver a aussi leur caractère.»
20. Alors Piétonneur dit :
« Quels sont les Ases (Soutiens) en qui les hommes doivent croire?» Sublime répond :
« Il y a douze Ases de race divine. »
Alors Équi-Sublime dit :
« Les Amies-des-Ases (Asyniur) ne sont ni moins saintes ni moins « puissantes. »
Alors Troisième dit :
« Odinn (Agitant) est le premier et le plus ancien des Ases ; il pré« side à toutes choses, et, bien que les autres Dieux soient puissants, « ils le servent comme des enfants leur père. Frigg (Pluie) est sa « femme; et elle connaît les destinées des hommes, bien qu'elle ne
« proclame pas ses visions. Voici comme il est dit qvCOdinn lui-même « parla à YAse qui se nomme Loki :
«((Tu es fou, Loki! et hors de sens; —
« « Pourquoi ne cesses-tu pas, Loki ! :
« « Les destinées, Frigg les connaît, je pense, toutes, ««Bien qu'elle ne les proclame pas elle-mème.»»
« Odinn est nommé Père- Universel, parce qu'il est le père de tous «les Dieux. Il est aussi nommé Père-des-Occis (norr. Val-fodr), «parce que tous ceux, qui tombent dans l'occision, sont ses Fils« Adoptifs ; il leur assigne la Halle-des-Occis (norr. Val-hôlt) étY Allée « Agréable (norr. Vin-gôlf), et alors ils sont nommés Troupiers-Uni« ques (norr. Einheriar). Il est aussi nommé Dieu-des-Suspendus « (norr. Hanga-gud), Dieu-des-Liens (norr. ffapta-gud), Dieu-des« Cargaisons (norr. Farma-gud), et il s'est encore nommé de diffé« rentes manières, lorsqu'il fut venu chez le roi Geirrôdvr :
««J'ai été appelé Effrayant (Grîmr), Piétonneur (Gangleri),
«« Troupier (Hérian), Porte-Heaume (Hialm-beri),
« «Agréable (Thekkr), Troisième (Thridi), Calme (Thudr), Humide (Udr), «« Ténébreux comme Hel (Helblindi), Sublime (Har).
« «Équitable (Sannr), Farouche (Svipall), Devine-Juste (Sanngetall),
« « Joyeux-des- Troupes (Herteitr), Hnikar (Hennîsseur),
«« Œil-Nuageux (Bileygr), Œil Enflammé (Baleygr), Malfaisant(Bolverkr), Multiple (Fiôlnir), «« Sanglier (Grimnir), Prompt,-à- Tromper (Glapsvidur).
«« Chapeau-Rabattu (Sidhôttr), Barbe-Pendante (Sidskeggr), Père-de- Victoire (Sigfédr), «« Père-Universel (Allfôdr), Décisif (Atridr), Hni1w4r (Vett-Hennissant), «« Oski (A-Souhait), Omi (Bruyant), Équi-Sublime (Iafhhar), Bifimii (Frémit-doux), adGondler (Embrouillant), Barbe-Velue (Harbardr).
« « Fascinant (Svidur), Fascinateur (Svidrir)
«« '... Ialkr (Vigoureux) ...
«« Kialar (tire-Traîneau)....
«« Thrôr (Persévérant) ....
«« Yggr (Ombrageux) ....
«« Cuirassé (Thundr) ....
«« Alerte (Vakr), Escrimeur (Skillingr), Agile (Vafudr), Dieu d'Alarme (Hropta-tyr), «« Perspicace (Gautr), Dieu des Guerriers (Vera-tyr). »»  ««
Alors Piétonneur dit :
« Vous lui avez donné prodigieusement beaucoup de noms; et je « sais , ma foi !, que ce doit être une grande érudition que celle qui « en connaît la raison, et explique quels événements ont occasionné « chacun de ces noms. »
Alors Sublime répond :
« Il faut beaucoup d'intelligence pour s'expliquer cela exactement; « cependant on peut très-rapidement te dire ceci, que la plupart des «noms ont été donnés par suite de cette circonstance, que, selon « les nombreuses différences des langues qu'il y avait dans le monde, « tous les peuples ont cru nécessaire, à l'invocation et à la prière «pour leur personne, de changer le nom de Celui-là d'après leur « propre langue : quelques occasions pour ces noms se sont encore « produites dans ses voyages : cela est rapporté dans les histoires; et f( tu ne saurais passer pour un homme savant, si tu ne sais pas ra« conter ces grandes aventures. »
21. Alors Piétonneur dit :
« Quels sont les noms des autres Ases?; et de quoi s'occupent-ils ; «— et qu'ont-ils fait pour se distinguer? »
Sublime répond :
« Thôr (Tonnerre) est le plus distingué d'entre eux; c'est lui qu'on « appelle Thôr-des-Ases et Thôr-mt-Char (norr. Oku-Thôr) ; il est le « plus fort de tous, des Dieux et des hommes. Il possède son Empire « à l'Endroit nommé Thrûd-vângar (Champs-d'Énergie), et sa Halle
« est nommée Bil-skirnir (Eclaircit-Grain). Dapîr-aett&>§alle, il y a « cinq cents et quarante allées; et cet Édific^S^le pWghnd que « les hommes sachent avoir été construit. \feîii comment s'éfmncent
« les Dits de Grimnir:
Cinq cents plus environ quarante alléè^ - ^J «( Sont, je pense, dans BHskirnir, aV^x^ y^^' ««De tous les Couverts, que je connais, lani^rîSsésT^^
(c Je tiens celui du Fils pour le plus grand.»» *
« Thôr a deux Boucs, dont les noms sont Tann-gniostur (Craque« Dent) et Tann-grisnir (Grince-Dent), et une voiture dans laquelle « il s'avance ; les Boucs traînent cette voiture ; c'est pourquoi il est « appelé Thôr-au- Char. Il possède aussi trois objets précieux : 1 'ui) « d'eux est le Marteau Meunier (norr. Miolnir), que connaissent les « Thurses-Givreux et les Géants des Montagnes, quand il est lancé dans « l'air: et cela n'est pas surprenant; il a fracassé maint crâne de leurs « ancêtres et de leurs parents. Comme second objet de grand prix il « possède la Ceinture de force (norr. Megingiardar) ; quand il la «serre autour de lui, sa force d'Ase s'accroît du double. Il possède « un troisième objet de grand prix : ce sont les Gantelets-de-fer (norr. «Iarn-glôfar), dont il ne peut pas se passer, vu le manche du Mar«teau. Mais personne n'est si savant qu'il puisse raconter tous ses «hauts faits. Cependant je saurais te raconter de lui tant d'histoires « que les heures s'écouleraient avant que j'eusse dit tout ce que j en « sais. »
22. Alors Piétonneur dit :
« Je voudrais avoir des renseignements sur les autres Ases. » Sublime répond :
«Le second fils d'Odinn est Baldur (Distingué); et il y a sur lu . « beaucoup à dire. Il est le meilleur de tous, et tous l'aiment. Il est « si beau de visage et si brillant, qu'il en resplendit au loin : aussi « une seule herbe est si blanche qu'elle soit comparable aux sourcils « de Baliur ; c'est la plus blanche de toutes les herbes ; et après « cela tu peux juger de sa beauté, tant pour la chevelure que pour e « corps. Il est le plus sage des Ases, et le plus beau parleur, et le plus « clément. Mais la particularité qui lui est attachée, c'est que rien de « ce qui est décidé sur lui, ne saurait être fléchi. Il habite Endroit «nommé Large-Éclat (norr. Breidablik) et qui est au ciel; dans ce « lieu, rien ne saurait être impur : voici ce qui est dit ici :
«« Large-Éclat est nommé l'Endroit où Baldur
« « S'est préparé ses demeures,
««Dans ce pays, où je sais qu 'il existe
«« Le moins de choses pernicieuses. »)
23. « Le troisième Ase est celui qui est appelé Niôrdur (Jaillis« sant) ; il demeure au ciel, à l'Endroit nommé Enclos-de- Ndi (norr. « Nôa-ttîn). Il préside au mouvement du Vent, et modère 1:1 Mer <1 »■
« Feu; c'est lui qu'il faut invoquer pour la navigation et la pêche. Il «possède tant de propriétés et tant de richesses, qu'il peut donner « des propriétés territoriales et des biens mobiliers à ceux qui « l'invoquent pour cela. Il a été élevé dans le Séjour-des- Vanes (norr. « Vanaheimr); mais les Vanes l'ont envoyé en ôtage aux Dieux, et ont «pris en échange, comme ôtage des Ases, le nomméHœnir (Utile); « il servit à la réconciliation des Dieux avec les Vanes. Ni6rd1tr a « épousé la femme qui est nommée Skadi (Pernicieuse), la fille de « l'Iotne Thiassi (Querelleur). Skadi veut avoir sa résidence là où « l'a eue son père, à savoir sur certaines montagnes, à l'Endroit « appelé Séjour-du-Bruissement (norr. Tlirymheimr) ; mais Ni6rd1tr « veut être près de la mer. Ils sont convenus ensemble de ceci, qu'ils « passeraient neuf nuits à Séjour-de-Bruissement, et les trois autres « à Enclos-de-Nôi (Enclos du Nocher). Lorsque Niârdur revint des « montagnes, il prononça ceci :
«« Les Montagnes me déplaisent; j'y ai été trop longtemps, «« Neuf nuits consécutives; —
««Le hurlement des loups ma' semblé détestable ««Auprès du chant des cygnes. »»
« Alors Skadi prononça ceci :
««Je ne pouvais pas dormir aux lits près de la Mer,
««A cause des cris d'oiseau ; —
«« Elle m'éveille, quand elle vient de la plage,
«« Chaque matin, la mouette. »»
« Alors Skadi remonta dans les Montagnes, et résida à Séjour-de« Bruissement. Elle court beaucoup sur les barres et avec l'arc, et elle « tire sur les bêtes; on la nomme Divinité aux Barres (norr. On dur« gud), ou Déesse-aux-Barres (norr. Ôndur-dîs). Voici ce qui est dit :
««Séjour-de-Bruissement est nommé le lieu qu'habitait Thiassi, «« Cet impétueux Iotne.
«« Mais maintenant Skadi , la brillante fiancée des Dieux, habite « « Les anciens Enclos du père.»»
24. « Niôrdur, dans Enclos-de-Nôi, eut, depuis, deux enfants; Je « fils fut nommé Frey (Maître), et la fille Freyia (Maîtresse); tous « les deux étaient beaux de visage et puissants. Frey est le plus illus« tre des Ases; il préside à la pluie, et .aux effets du soleil, et, avec « cela, à la production de la terre ; et il est bon de lui adresser des
« vœux pour la moisson et pour la paix. Il préside encore à la fortune « mobiliaire des hommes. Freyia est aussi la plus respectée des Amies« des-Ases. Elle a, au ciel, la Résidence nommée Champs-d'Assemnblée (norr. Fôlkvangar) ; et, aussi souvent qu'elle chevauche au «combat, elle obtient la moitié des occis, et Odinn l'autre moitié, « comme il est dit ici :
«« Champ-d'Assemblée èst-il nommé; et là Freyia préside «« Aux choix des siéges dans la Salle;
«« Chaque jour elle choisit la moitié des occis ;
«« L'autre moitié est à Odinn.»»
«Sa demeure est nomméeContient-les-Siéges (norr. Sessrymnir); «elle est grande et belle. Quand elle sort, elle est traînée par deux « chats, et elle est assise dans un char. C'est à elle qu'il convient le « mieux aux hommes d'adresser leurs vœux. De son nom provient «aussi le nom honorifique par lequel les femmes de qualité sont « appelés Freyias (Dames, Maitresses). Elle aimait beaucoup les « chants d'amour; il est bon de lui adresser les vœux pour les incli« nations. »
25. Alors Piétonneur dit :
« Ces Ases, ils me semblent grands par eux-mêmes; et il n'est pas « étonnant qu'une grande force vous accompagne, vous qui connais« sez naturellement le caractère des Dieux, et savez quelle prière il « faut adresser à chacun d'eux. Mais y a-t-il encore d'autres Dieux? JI Sublime répond :
« Il y a encore l'Ase qui est nommé Tyr (Brillant); il est le plus « hardi et le plus courageux : aussi préside-t-il souvent à la victoire « dans les guerres ; les hommes vaillants font bien de lui adresser «leurs vœux. Il est d'usage de dire que tel est vaillant comme « Tyr (norr. Ty-hraustr), quand il surpasse les autres hommes rt « qu'il ne s'épouvante de rien. Il était encore intelligent, de sorte « qu'on dit de celui qui est intelligent, qu'il est sage comme Tyr « (norr. Ty-spakr). Voici seulement une preuve de sa hardiesse. — « Lorsque les Ases cajolèrent le Loup de Fenrir pour lui attacher le lien « Gleipnir (Étranglant), celui-ci ne voulait leur croire qu'ils le relâ« cheraient, jusqu'à ce qu'ils eussent mis , comme gage, la main de « Tyr, dans sa gueule : et lorsque les Ases ne voulurent plus le relâ« cher, celui-là lui coupa, avec ses dents, la main à l'endroit qu'on
r appelle maintenant le Joint-du-Lattp (norr. Ulflidr). Aussi est-il « manchot ; et il n'est nullement appelé le Pacificateur des hommes « (norr. Sœttir manna). »
26. « Un autre est nommé Bragi (Parler) ; il est distingué par son «intelligence et principalement par la volubilité de son élocution et « sa facilité de s'exprimer; il s'entend le mieux en poésie; aussi, «d'après lui, la Poésie est-elle appelée Bragur (Parole); et, d'après « son nom, la personne, homme ou femme, qui surpasse les autres « en facilité d'élocution, est appelée Parole (norr. Bragur) des « hommes ou des femmes. Son épouse est Idunn (Aime-1'Activité) ; « elle garde, dans son écrin, les pommes dans lesquelles les Dieux « doivent mordre, quand ils vieillissent, pour redevenir, ainsi, tous «jeunes: et ainsi il arrivera jusqu'au Crépuscule-des-Grandeurs « (norr. Bagna-rôckur). »
Alors Piétonneur dit :
«Très-important est, ce me semble, ce que les Dieux confient à « la garde et à la fidélité d'Idunn. »
Alors Sublime dit en souriant :
CI: Une fois il serait presque arrivé un malheur; je saurais te le ra« conter, mais tu dois maintenant d'abord apprendre les noms des « autres Ases.
27. Il y en a un, nommé Heimdall (Arbre du Séjour) ; il est appelé « l' Ase Blanc ; il est grand et saint; neuf vierges, toutes des sœurs, ti l'ont mis au monde comme leur fils. Il se nomme aussi Hallin« skidi (Bois-Retors) et Dent-d' Oi,(norr. Gullintanni); ses dents étaient ((d'or. Son cheval est nommé Queue-d'Or (norr. Gulltoppr). Il de« meure à l'Endroit nommé Roches-Célestes (norr. Himinbiôrg), près <(de Bifrôst (Voie-Temblotante). Il est le Gardien des Dieux: aussi « est-il assis-là, à l'extrémité du ciel, pour garder le Pont contre les « Géants des Montagnes (norr. Bergrisar). Il lui faut moins de soma:meil qu'à un oiseau; il voit, également, de nuit comme de jour, à «une distance de cent milles; il entend aussi croître l'herbe sur la « terre, et la laine sur les brebis, et tout ce qui bruit plus fort. Il a « la Trompe qui est nommée Corne-de-Giôll (norr. Giallar-horn) ; et «( s'il y souffle, on l'entend dans tous les Séjours. Voici ce qui est t dit ici :
««C'est nommé Roches-Célestes; et là Heimdall u: Préside, dit-on, aux Sanctuaires;
«« Là , dans ce beau Couvert, le Gardien des Dieux boit,
«« Gaîment, l'excellent hydromel. »D
« Et Lui-même dit encore dans l'Enchaniement-de-Heimdall :
« « D.e neuf mères je suis le garçon,
«« De neuf sœurs je suis le fils, etc.» D
28. « Hôdur (Combat) est le nom d'un autre Ase; il est aveugle, et « il est passablement fort : mais les Dieux voudraient n'avoir pas « besoin de nommer cet Ase, puisque l'œuvre de sa main restera « longtemps dans la mémoire des Dieux et des hommes. »
29. « Vidar (Auguste du Large) est le nom d'un autre ; c'est l'Ase Taciturne: il a le Soulier Épais. Il est presque aussi fort que Thôr ; en « lui les Dieux trouvent un puissant recours dans tous les dangers.»
30. aAli ou Vali (Effrayant) est le nom d'un autre; c'est le fils « d'Odinn et de Rindur (Jaillissante); il est hardi dans les guerres, et « très-habile tireur. »
31. « Ullr (Éclat) est le nom d'un autre ; c'est le fils de Sif (Pa« rente) et le beau-fils de Thôr; il est si bon archer et coureur sur « barres, que personne ne peut lutter avec lui. Il est beau de visage; q et il a lés manières d'un homme d'armes ; il est bon de lui adres« ser des vœux dans le combat singulier. »
32. « Proposant (norr. Forseti) est le nom du fils de Baldur et t de Nanna « (Vigoureuse), fille de Nep (Saillie). Il possède, au ciel, la Salle nommée Étincelante ( norr. Glitnir)\ et tous ceux qui viennent, chez lui, pour « des litiges difficiles, s'en retournent tous réconciliés : c'est le meil« leur Tribunal chez les Dieux et chez les hommes, ainsi qu'il est « dit ici :
«« Cette Salle est nommée Étincelante; elle est étayée d'or, ««Et couverte également d'argent;
«« Et là Proposant réside la plupart des jours
««Et assoupit tous les litiges.»»
33. « On compte aussi parmi les Ases celui que quelques-uns ap« pellentle Détracteur des Ases, etle Conseiller de Perfidies, et le Déshon« neur de Tous, Dieux et hommes. C'est le nommé (Clôtureur), ou « Loptur(Aérien), fils de l'Iotne Farbauti (Bute Voyage); sa mère est « Lauf-ey (Ile de Feuillage), ou Ndl (Aiguille) ; ses frères sont Byleislr « (Pousse Grain) et Hel-blindi(Très-Sombre). Loki est agréable et beau « de forme, inéchant de caractère, et très-variable dans sa conduite ; il
« avait, plus que personne, cette intelligence qu'on nomme astuce, et des « ruses pour toutes choses. Il entraînait toujours lestes dans des diffi« cultés complètes ; souvent aussi il les en a tirés par des moyens de « ruse. Sa femme se nomme Sigyn (Aime-Chute), leur fils, Nâri « (Crépusculaire) ou Narvi.
34. «Loki avait encore plusieurs autres enfants. Angur-bodi « (Signal d'Angoisse) était le nom d'une Géante dans Séjour-des-Iotnes « (norr. Iotunheimr); avec elle, Loki a eu trois enfants: l 'un était « Loup de Fenrir ; l'autre lormungand (Charmeur-Solaire), c'est le « Serpent de l' Enclos-JIitoyen (norr. Midgardr) ; le troisième est Hel « (Mort). Lorsque les Dieux s'aperçurent que ces trois, les frères et la « sœur, étaient élevés dans les Séjours-des-lotnes, et quand les Dieux « se rappelèrent les prédictions, d'après lesquelles un grand dommage « et malheur proviendraient de ces frères et sœur, et que tous crurent «devoir s'attendre, dans eux, à beaucoup de méchanceté, d'abord « du côté de leur mère, et plus encore de celui de leur père, alors « Père-Universel y envoya les Dieux pour enlever ces enfants et les « amener devant lui. Et quand ceux-ci furent venus chez lui, il «jeta le Serpent dans la Mer profonde qui entoure tous les conti«nents; et ce Serpent grandit tellement, que, gisant au milieu de la « Haute Mer, il entoure tous les continents, et qu'il se mord la queue. «Il jeta Hel (Mort) dans le Séjour-Brumeux (norr. Niflheim), et lui « donna l'empire sur le neuvième Séjour, afin qu'elle distribuât tous « les logis entre ceux qui lui seraient envoyés, à savoir les hommes « morts de maladie ou morts de vieillesse. Là elle possède de grands « Manoirs; et ses Enceintes sont prodigieusement hautes et les Grilles « élevées; sa Salle est nommée Espace-de-Tempêtes (norr .Eliudnir), « son Écuelle, Faim (norr. Hungr), son Couteau, Inanition (norr. Sultr), « son Serf, Marche-Lent(norr. Ganglati), sa Serve, Marche-Lente (norr. « Gang-lot), sa Grille, Calamité-Tombante (norr. Fallanda-forat), son « Seuil, Fatigant-de-Souffrance (norr. Thol-modnir), sa Couche, Gra« bat-de-Malade (norr. Kor), son Rideau, Mal-Perçant (norr.Blikianda« bol). Elle est à moitié bleue et à moitié couleur de chair; par là, elle « est reconnaissable; et elle a le visage fort décharné et sinistre.  « Les Ases élevèrent le Loup chez eux, et Tyr seul avait la hardiesse « d'aller auprès du Loup pour lui donner à manger. Mais lorsque les « Dieux virent combien il grandissait chaque jour, et que les oracles « énonçèrent qu'il était destiné à leur nuire, les Ases prirent alors
« le parti de faire un lien très-fort qu'ils appelaient Insinuant (norr. « Loethingr) ; et ils le portèrent au Loup et l'invitèrent à essayer sa « force contre ce lien. Celui-ci ne paraissait pas excessivement fort « au Loup ; et il les laissa donc faire avec lui comme ils le voulaient. «La première fois que le Loup se piéta, le Lien se brisa; et il se dé« gagea ainsi de l' Insinuant. Après cela les Ases firent un autre lien, « d'une force double, qu'ils appelèrent Serrant (norr. DrfJmi), et ils « invitèrent encore le Loup à. essayer ce lien; et ils lui dirent qu'il « deviendra célèbre par sa force, si un semblable ouvrage extraor« dinaire ne pourra le retenir. Le Loup, de son côté, prit en con« sidération que ce lien était très-fort, mais, en même temps, que, « depuis qu'il avait brisé Insinuant, sa force avait augmenté. Il lui « vint dans la pensée qu'il était obligé de s'exposer au danger, s'il « voulait devenir célèbre , et il se laissa attacher le lien. Et lorsque « les Ases dirent qu'ils avaient fini, le Loup s'agita, se piéta, et fit « tomber à terre le lien brisé, au point que les débris en furent lancés «au loin. C'est ainsi qu'il s'arracha au Serrant. Il est d'usage, de« puis, de dire : se dégager de l'Insinuant, ou s'arracher au Serrant, « quand, pour une chose, on s'efforce ardemment. Après cela, les « Ases craignirent qu'ils ne parvinssent plus à enchaîner le Loup. « Père- Universel envoya alors le varlet qui est nommé Skirnir (Éclair« cit), le Messager de Frey, au Séjour - des - Alfes- Noirs, chez cer« tains Dvergs, et fit faire le Lien qui est nommé Étranglant (non. « Gleipnir). Celui-ci était fait de six choses : de bruit de pas de chat, « de barbe de femme, de racines de montagnes, de tendons d'ours, « d'haleine de poisson, et de salive d'oiseau ; et, bien que tu n'aies «pas connu, antérieurement, ces détails, tu vas bientôt trouver ici « la preuve certaine qu'on ne t'a pas fait de mensonges : f u peux bien «avoir remarqué que la femme n'a pas de barbe, et qu'il ne résulte « pas de bruit du trot d'un chat, et qu'il n'y a pas de racines sous « les montagnes; mais je sais, ma foi! que tout ce que je t'ai dit n'en « est pas moins vrai, bien qu'il y en ait des choses que tu ne puisses « pas expérimenter. J)
Alors Piétonneur dit :
« Je pourrai me convaincre pleinement que cela est vrai, quand « je verrai les résultats que tu viens d'invoquer comme preuve : mais «ce Lien, ainsi confectionné, comment devint-il?'»
Sublime répond :
«.C'est ce que je puis bien te dire ; ce Lien devint lisse et souple < comme un lacet de soie, et si solide et fort comme tu vas maintenant l'apprendre. Quand le Lien fut apporté aux Ases, ils remer«cièrent beaucoup le Messager de sa commission. Ensuite les Ases «se rendirent sur le Lac nommé Amsvartnir (Noirci de Peine), dans q un îlot qui est appelé Bruyère (norr. Lyngvi) ; et ils appelèrent à « eux le Loup, lui montrèrent le lacet de soie et l'invitèrent à le « rompre; et ils dirent qu'il était un peu plus solide qu'il n'en avait « l'air, à en juger d'après l'épaisseur ; et chacun le passa à l'autre et y « éprouva la force de ses mains, et il ne fut pas rompu : néanmoins « ils dirent que le Loup le romprait. Alors le Loup répond :
«« Il me semble, à voir ce filet, que je ne pourrai pas acquérir ««de la gloire en rompant un lacet aussi mince : mais, s'il est fait «« avec artifice et avec perfidie , bien que cela n'y paraisse guère, ce «« lacet ne touchera pas à mes pieds. »»
« Alors les Ases dirent qu'il pourrait facilement rompre ce mince « lacet de soie , lui qui avait auparavant brisé de grandes chaînes de « fer, et «« si tu ne parviens pas à rompre ce lacet, alors tu ne saurais «« être redoutable aux Dieux, et, par conséquent, nous pourrons ««alors te relàcher.»»
«Le Loup répond :
«« Si vous me liiez de manière que je ne parvinsse plus à me dé«« livrer moi-même, vous vous ririez de moi, de sorte que j'aurais «« à attendre longtemps que vous me vinssiez en aide. Je n'ai donc <m aucune envie de me laisser attacher ce Lien. Mais pour que vous «« ne doutiez pas de mon courage, que l'un de vous mette sa main «« dans ma gueule, pour garantie que ce Lien est fait sans perfidie. »»
« Mais chacun des Ases regarda l'autre, et il leur semblait qu'il y « avait maintenant double embarras ; nul ne voulait sacrifier sa main. « Enfin Tyr étendit sa main droite et la mit dans la gueule du Loup. «Quand le Loup se piéta, le Lien se raidit; et plus il faisait des ef« forts pour le rompre, plus le Lien se serrait. Alors tous se mirent à « rire, excepté Tyr, qui y laissa sa main. Quand les Ases virent que « le Loup était parfaitement lié, ils prirent la Corde nommée Pati« hulaire (norr. Gelgia), qui était attachée au Lien, et ils la passèrent «à travers une grande Roche nommée Bruyante (norr. Gioll), et «fixèrent cette Roche profondément dans la terre; puis ils prirent « une énorme Pierre , nommée Traverse (norr. Thviti), qu'ils enfon-
« çèrent encore plus avant dans la terre, et ils employèrent celte « pierre en guise de croc d'attache. Le Loup ouvrit violemment la « gueule, se demena beaucoup, et voulut les mordre. Ils lui lançèrent « un glaive dans la bouche; la poignée se fixa dans le palais inférieur, « et la pointe à stylet dans le palais supérieur; c'est là son Dilata« teur de palais (norr. gôm-sparri). Il hurle effroyablement, et la sa« live lui coule de la bouche : c'est là la Rivière qu'on nomme Regret « (norr. Von). Là, il restera jusqu'au Crépuscule-des-Grandeurs. »
Alors Piétonneur dit :
« Loki a engendré des enfants prodigieusement méchants; et tous, « ces frères et sœur, sont puissants de leur nature; mais pourquoi « les Ases n'ont-ils pas tué le Loup duquel ils ne s attendaient qu 'a « du mal ? »
Sublime répond : «
« Les Dieux respectaient tant leurs Sanctuaires et leurs Asyles, « qu'ils ne voulaient pas les souiller du sang de ce Loup, bien que « les visions annonçassent qu'il donnerait la mort à Odinn. »  35. Alors Piétonneur dit :
« Quelles sont les Amies-des-Ases?»
Sublime répond :
« Frigg (Pluie) est la première; elle possède la Résidence qui est « nommée Salles d'Écume (norr. Fensalir) et qui est très-splendi(le. »
« La seconde est Tradition (norr. Saga) : elle réside à Sôckvabeck, « (Banc de Submergé), qui est aussi un endroit remarquable. »
« La troisième est Cure (norr. Eir) ; elle est le meilleur Médecin. » « La quatrième est Gefiun (Aime-l'Abîme) ; elle est vierge, et celles « qui meurent vierges la servent.
« La cinquième est Abonde (norr. Fulla); elle aussi est vierge, et « a les cheveux flottants et un bandeau doré autour de la tête. Elle « porte l'écrin de Frigg, et a soin de la chaussure de celle-ci ; et elle « est initiée à ses conseils secrets.
« Freyia (Maîtresse) est, avec Frigg, la plus distinguée; elle fut « mariée à l'homme nommé Odr (Impétueux) ; leur fille est nommée « Joyau (norr. Hnoss); celle-ci est si belle que, d'après son nom, « on appelle joyau ce qui est beau et précieux. Odr partit pour de « longs voyages, et Freyia pleure après lui; et ses larmes sont de « l'or rouge.
« Freyia a plusieurs noms, il la raison en est qu'elle s'est donné
l' différents noms, quand elle a voyagé chez des peuples inconnus, « pour chercher Odr : elle est nommée Mar-doll (Pin-de-Mer), Hôrn «(Pluie), Gefn (Abîme), Syr (Truie).
« Freyia possédait le Bijou des Issus de Brisi (norr. Brisinga-men) ; I( elle est aussi appelée Déesse Vane. »
La septième est Affection (norr. Siofn) ; elle s'efforce beaucoup à. « tourner les pensées des humains vers l'amour pour la femme ou «pour l'homme: d'après son nom, l'amant est appelé l'Affectionné « (norr. Siafni).
o: La huitième est Permission (norr. Lofn) ; elle est si bénigne et « si favorable aux vœux qu'on lui adresse, qu'elle obtient de Père« Universel et de Frigg, la permission (norr. leyft) pour la réunion «de l'homme et de la femme, bien que celle-ci^ait été antérieure« ment défendue ou empêchée : c'est pourquoi son nom désigne aussi « Y amour (norr. lof), et ce qui est très-loué (norr. lofât) des hommes.»
« La neuvième est Assurance (norr. For) ; elle écoute les serments « des humains et les promesses que se font entre eux, femmes et « hommes : aussi ces promesses sont-elles nommées assurances (norr. « varar). Elle se venge aussi sur ceux qui se dédisent. Assurance est « instruite et enquérante, au point qu'on ne peut rien lui cacher; il « est usité de dire d'une femme qu'elle est assurée (norr. vor) d'une «chose, quand elle en est instruite.
«La dixième est Dénégation (norr. Syn); elle garde les portes de «la Halle et les ferme à ceux qui ne doivent pas entrer. Elle est « aussi employée, dans l'assemblée judiciaire, pour la défense contre Il les accusations dont elle conteste la vérité ; de là il est d'usage de « dire qu'on oppose une dénégation (norr. syn), quand on nie.
« La onzième est Protection (norr. HUn); ; elle est chargée de veiller « sur les hommes que Frigg veut préserver de quelque danger; de là « l'usage de dire être protégé (norr. hleinir), pour être préservé.
« La douzième est Élégante (norr. Snotra) ; elle est instruite et « polie; et, d'après son nom, on appelle Élégant (norr. Snotr) tout « individu, femme ou homme, qui sait les convenances.
« La treizième est Planeuse (norr. Gnd) ; Frigg l'envoie dans les « différents Séjours, pour ses commissions. Elle possède le cheval « qui traverse l'air et la mer et qui est nommé Lance-Sabot (norr. <f Hôfvarpnir). Une fois, qu'elle chevaucha, il arriva que quelques « Vanes la virent chevaucher dans l'air; alors un d'eux dit :
« « Qui est-ce qui vole là ? qui est-ce qui s'avance là,
«« Et passe dans l'air?»»
« Elle répond :»
«« Je ne vole pas, bien que j'avance et que
««Je passe dans l'air,
« « Sur Lance-Sabot, que Hamskerpir (Gerce-Peau)
«« A engendré avec Gardrôfa (Bris'e-Enclo8). 3) »
« D'après le nom de Planeuse, on dit qu'une chose plane (norr. « gnœfi) quand elle se meut dans l'air.
« Sôl et BiZ sont aussi comptées parmi les Amies-des-Ases et on a « parlé ci-dessus de ce qui leur est propre. »
36. «Il y a encore les Femmes chargées de servir dans II Halle« des-Occis (norr. Valholl), de présenter à boire, et de soigner les « ustensiles de table et les accessoires du festin. Voici 'comme elles « sont nommées dans les Dits de Grimnir :
«« Je veux que Hrist (Secousse) et Mist (Brume) me présentent la corne, « « Ainsi que Skeggiold (Manie-la-Hache) et S k6 gui (Hérissée); «« Hildur (Lutte), Thrudur(Force), Hlôck(Chaîne), Herfiotur (Lien de
.troupe), «« G611 (Perte) et Geirahôd (Lutte aux Framées),
«« Randgrid (Fureur d'Écus), Radgrid (Fureur Résolue) et Reginleif (Targe des Dieux), ■ «« Ce sont elles qui présentent l'ail aux Troupiers-Uniques.»»
« Elles sont nommées Choisit-tes-Occis (norr. Valkyriur): Odinn « les envoie à chaque combat; elles choisissent les hommes destinés « à mourir et président à la victoire. Guerre (norr. Gudr) et Alarme «(norr. Rota), et la plus jeune des Nomes, nommée Future (norr. « Skulld), chevauchent, continuellement, pour choisir les Occis, 'et « elles président à la bataille.
« Terre (norr. lord), la mère de Thôr (Tonnerre), et Bindur (Jail« lissante), mère de Vali (Effrayant), sont comptées parmi les Amies« des-Ases. »
37. « Un homme se nommait Gymir, et sa femme Orboia qui était « de la race des Géan ts-des -Montagnes : Gerdur est leur fille, qui « est la plus belle de toutes les femmes. Il est arrivé ui jour que Frey « est allé dans Hlidskialf (Chaumine-aux-Portes) et a parcouru, du ®ard, tous les Séjours : et lorsqu'il regarda dans la -Région du
« Nord, il vit dans un enclos une grande et belle maison ; et vers « cette maison se dirigeait une femme; et lorsqu'elle leva ses mains « et ouvrit la porte devant elle, ses mains jetèrent de l'éclat dans «l'air et sur l'eau, et tous les Séjours furent éclairés par elle. «Aussi il fut tellement puni de sa grande présomption de s'être « assis sur ce siége sacré, que, plein de chagrin, il se retira. Et « lorsqu'il rentra chez lui, il ne parla à personne; il ne dormait « plus, il ne buvait plus ; personne non plus n'osait l'engager à s'ex« pliquer. Alors Niôrdur fit appeler auprès de lui Éclaircit (norr. « Skirnir), le valet de chaussure de Frey, et le pria d'aller chez Frey, « de l'engager à s'expliquer, et de lui demander contre qui il était « tellement courroucé qu'il ne pariait plus à personne. Éclaircit dé«clara qu'il irait, encore que ce fût contre son gré; et il dit qu'il «s'attendait, de lui, à une réponse désagréable. Lorsqu'il vint chez « Frey, il lui demanda pourquoi Frey était si abattu et ne parlait « plus à personne. Alors Frey lui répondit et dit qu'il avait vu une « belle femme, et qu'à cause d'elle il était si plein de chagrin qu'il « ne vivra plus longtemps s'il ne la pourra pas obtenir, et, «« main«« tenant tu dois partir et demander pour moi sa main , et l'amener «ici au logis, que son père veuille ou non; et je te récompenserai ««bien pour cela. »»
«Alors Éclaircit répondit, déclarant qu'il partirait pour ce mes« sage, mais que Frey devait lui donner son épée. Celte épée était si a bonne qu'elle se brandissait d'elle-même; cependant Frey voulut « agir largement, et il lui donna cette épée. Alors Éclaircit partit; et « il demanda, pour l'autre, cette femme; et il obtint d'elle le consen-C1 tement ; et après neuf nuits elle voulait se rendre à l'Endroit nommé « Ile-de-Feuillage (norr. Barr-ey), et aller alors aux finançailles avec « Frey. Lorsque Éclaircit annonça à Frey son message , celui-ci ré« cita ceci :
« « Une nuit est longue ; elle est longue la deuxième ;
; « « Comment supporterai-je de languir pendant trois? ;
«« Souvent un mois m'a semblé plus court
H Que la moitié d'une telle nuit d'union.»»
« Voilà la raison pourquoi Frey s'est trouvé tellement sans armes, « lorsqu'il combattit contre Beli (Beugleur), et qu'il le frappa à mort « avec une corne de cerf. »
Alors Piétonneur dit :
« C'est bien étonnant qu'un chef pareil, comme l'est Frey, ait con« senti à donner son épée, sans qu'il en eût une autre également « bonne. Cela devint pour lui un immense désavantage, lorsqu'il «combattit contre le nommé Beli; et je crois, ma foi!, qu'alors il « s'est repenti d'avoir fait ce don. »
Alors Sublime répond :
« Ce fut de peu d'importance, alors que lui et Beli se rencontrè« rent : Frey pouvait le frapper à mort avec sa main. Mais il arrivera « que Frey se trouvera dans une plus mauvaise rencontre, quand « cette épée lui manque, lorsque les Fils de Muspell s'avanceront « pour faire l'irruption. »
38. Alors Piétonneur dit :
« Tu prétends que tous les hommes qui sont tombés à la guerre, « depuis le commencement du monde, se trouvent maintenant chez « Odinn, dans la H aile-des-Occis (norr. Valhôll) : qu'a-t-il donc à « leur donner pour leur subsistance; je pense qu'il doit y avoir là « une bien grande multitude d'hommes. »
Alors Sublime répond :
« Ce que tu dis est vrai ; il y a là une bien grande multitude d'hommes ; « il y en aura encore une bien plus grande, et cependant elle paraîtra « encore trop petite, lorsque le Loup s'avance. Mais jamais la foule « n'est tellement grande, dans la Halle-des-Occis, que le lard du Ver« rat, nommé Sœhrimnir (Frimas de Mer), ne puisse plus leur suf« fire. Celui-ci est cuit chaque jour, et, le soir, il redevient entier. « Cette question que tu m'adresses est telle qu'il me semble plus que « probable qu'il n'y ait que peu d'hommes assez érudits pour savoir « dire la vérité là-dessus. — Le Cuisinier est nommé And-hrimnir « (Frimas d'Haleine), et la Marmite, Eld-hrimnir (Frimas de Suie) : « c'est ce qui est dit ici :
««Dans Eldhrimnir, Andhrimnir fait
«« Bouillir Soehrimnir
««Le meilleur lard; cependant Peu le savent
«« Avec quoi se nourrissent les Troupiers-Uniques. »»
Alors Piétonneur dit :
« Est-ce qu'Odinn a le même ordinaire que les Troupiers-Uniques « (norr. Ein-heriar) ? »
Sublime répond : »
« Le mets qui se trouve sur sa table, il le donne à ses deux Loups, « qui sont nommés Avide (norr. Geri) et Effronté (norr. Freki), lui, il «n'a besoin d'aucun mets; le vin lui est, à la fois, boisson et noui«riture; ainsi qu'on l'énonce ici :
««Avide et Effronté, il les rassasie, l'Habitué-à-la-Guerre ,
«« L'illustre Père-des-Combattants ;
({« Et avec du vin seul, le Glorieux-des-Armes,
«« Odinn, se soutient continuellement. »»
« Deux Corbeaux lui sont assis sur les épaules, et lui disent àl'o-« reille tous les événements qu'ils voient ou qu'ils entendent : ils « sont nommés Huginn (Penser) et Muninn (Désir.) «Il les envoie, à « la pointe du jour, voler par le Monde entier; et, au repas du « soir, ils reviennent; par là, il est instruit de beaucoup d'événe-((ments; et, pour cela, les hommes l'appellent Dieu-aux-Corbeaux « (norr. Hrafna-gud). Voici ce qui est énoncé :
«« Huginn et Muninn volent chaque jour
«« Par dessus la Plaine éclairée du Soleil;
«« De Huginn, je crains qu'il ne revienne plus;
«« Je l'appréhende encore plus de Muninn. »»)
39. Alors Piétonneur dit :
« Qu'est-ce que les Troupiers- Uniques ont à boire qui puisse leur « suffire aussi abondamment que leur nourriture?; ou est-ce qu'on y « boit de l'eau? »
Alors Sublime répond :
« C'est singulier ce que tu dis là, que Père Universel veuille inviter « chez lui des Rois et des Comtes et d'autres hommes de Gouverne« ment, et qu'il songe à leur présenter de l'eau à boire! — Je sais, « ma foi! que maint homme va à la Halle-des- Occis, qui, s'il n'y « avait pas là de meilleure réception, croirait payer cher cette eau, « lui qui vient d'endurer les blessures et la fièvre qui ont amené sa « mort! — Je puis te donner là-dessus d'autres renseignements. La C1 Chèvre qui est nommée Heidrttne (Compagne de Richesse), se tient adressée contre la Halle-des-Occis, et broute la pousse de l'Arbre (1 tant renommé, qu'on appelle Lœrad (Illuminé); et, de ses trayons, « coule l'Hydromel dont elle remplit chaque jour le Vase à anse, qui «est si grand que tous les Troupiers - Uniques y trouvent de quoi « boire il satiété. «
Alors Piétonneur dit :
C'est pour eux une chèvre excessivement commode; et il doit être « prodigieusement excellent l'Arbre dont elle broute. ï
Alors Sublime dit :
«Il est encore d'une plus grande importance, par rapport au Cerf « Eikthyrnir (Cornu de l'Arbre), qui se tient près de laHalle-des-Occis, « et broute aux branches de cet arbre; et, de ses cornes, il se fait « un si grand écoulement, qu'il se répand dans le Bassin-Bruyant « (norr. Hvergelmir) ; et de là descendent les Eaux qui sont ainsi « nommées: Sîd (Languissante), - Vida (Large), Sekin (Poursuivante), « Ekin (Attaquante), Svol (Froide), Gunn-thrô (Belliqueuse), Fiörm « (Chargée), Fimbul-thul (Murmure-Étourdissant), Gipul (Béante), Go«pul (Pleine-d'abîmes), Gômul (Vieille), Ger-vimul (Pleine-Confu« sion) ; celles-là coulent près des Habitations des Ases. Il y en a en« core d'autres , nommées : Thyn (Profonde), Vin (Désir), Thôll (Ra« mifiée), Holl (Déclive), Grdd (Avide), Gunn-thrdin (Belliqueuse), « Nyt (Violente), Nôt (Frémissante), Nônn (Vigoureuse), Hronn «(Ondoyante), Vina (Amie), Veg-svinn (Voyageuse), ThiOa-numa « (Connue du Monde). »
40. « Alors Piélonneur dit :
« Ce sont de merveilleuses nouvelles que tu me dis là ; ce doit être « une maison immensément grande que cette Halle-des-Oceis; il doit « y avoir souvent presse aux portes ? »
Alors Sublime dit :
« Pourquoi ne demandes-tu pas combien il y a de portes à la Halle« des-Occis, et de quelle dimension?; quand tu l'auras appris, tu « avoueras qu'il serait étonnant que l'on ne pût y entrer et en sortir, « toutes les fois qu'on le veut ; il est encore vrai de dire qif il n'y a « pas plus de difficulté pour sortir que pour entrer. Voici ce que tu « peux apprendre dans les Dits de Grimnir :
«Cinq centaines, plus environ quatre dizaines de portes,
«Tant, j'estime, se trouvent à la HaHe-des-Occis ;
«Huit centaines de Troupiers-Uniques sortent, à la fois, par chique porte, «Lorsqu'ils vont combattre contre Présage.,
41. Alors Piétonneur dit :
« Elle est très-grande la foule des hommes dans la Halle-des-Occis, « de sorte que je suis également persuadé qu'Odinn est un très-grand « Chef, puisqu'il gouverne une si grande armée; mais quel est donc
« le passe-temps des Troupiers-Uniques, quand ils ne sont pas oc« cupés à boire ? »
Sublime répond :
« Chaque jour, après qu'ils se sont habillés, ils s'arment et sortent 4dans la cour, et se battent et se renversent l'un l'autre; c'est là « leur jeu. Et quand le temps du souper est venu, ils rentrent à «cheval dans la Halle-des-Occis, et s'assoient au festin, ainsi qu'il « est dit ici :
««Tous les Troupiers-Uniques, dans les Enclos d'Odinn,
««Se battent chaque jour;
««(Ils choisissent les victimes, et quittent à cheval le combat;
««Et ensuite s'assoient réconciliés ensemble.
« Ce que tu as dit est encore vrai, Odinn est grand par lui-même ; « on trouverait beaucoup de preuves de cela. Voici ce qui est énoncé « dans les paroles des Ases eux-mêmes :
«Le Frêne d'Yggdrasill, c'est le premier parmi les arbres, «Comme Skîdbladnir parmi les navires,
«Odinn parmi les Ases, et Sleipnir parmi les chevaux,
«Et BifrÕst parmi les ponts,
«Et Bragi parmi les poètes, et Haute-Braie parmi les faucons,
«Et Garmur parmi les chiens.,)
42. Alors Piétonneur dit :
«A qui appartient l'étalon Sleipnir, et qu'y a-t-il à.en dire?») Sublime répond :
« Tu n'as donc pas de renseignements sur Sleipnir, et tu ne sais « pas à quel accident il doit sa naissance?; cela va te paraître digne « d'être rapporté. — Tout de suite après le premier établissement «des Dieux, quand les Dieux eurent élevé l'Enclos-Mitoyen (Mid« gardr) et construit la Halle-des-Occis ( Valhôll), il y vint un artisan « et offrit de leur construire, dans l'espace de trois semestres, une « forteresse si excellente qu'on y serait en sûreté, sans crainte devant «les Géants des Montagnes (Bergrisar) et les Thurses-Givreux (Hrim« thursar), même quand ils seraient déjà entrés dans l' Enclos-illitoyen; « et il demanda, pour prix, qu'il serait mis en possession de Freyia; « de plus, il voulait avoir le Soleil et la Lune. Là-dessus les Ases al« lèrent délibérer et se concerter sur la résolution à prendre ; et « 1 on conclut ce marché avec l'artisan, qu'il serait mis en possession « de ce qu'il demandait, s'il parvenait à construire la forteresse dans
« l'espace d'un hiver. Mais si, le premier jour d'été, il restait encore «quoique chose à faire à la forteresse, il perdrait le prix. Il devait, « pour cet ouvrage, ne recevoir le secours de personne. Quand ils « lui annoncèrent ces conditions, il les pria de lui permettre d'avoir « l'aide de son cheval, nommé Svadilfari (Vole-sur-Glace) ; et Loki « (Clôtureur) fut cause que cela lui fut accordé. Il commença, dès « le premier jour d'hiver, à construire la forteresse; et, pendant les «nuits, il y transporta les pierres sur son cheval; et cela parut « très-étonnant aux Ases, que ce cheval put porter de si grands ro« chers, et que le cheval fît deux fois plus de besogne que l'artisan. « Mais le marché entre eux avait été confirmé par des témoignages «solides et par beaucoup de serments, parce que l'Iotne ne se serait « pas cru en sûreté auprès des Ases, s'il eût été sans garantie lorsque « Thôr (Tonnerre) serait rentré. Celui-ci était alors allé dans la Ré« gion d'Orient (norr. Austurvegr) combattre les démons (norr. troll). « Lorsque l'hiver tira à sa fin, la construction de la forteresse fut «vivement poussée ; et celle-ci était déjà si haute et si solide, qu on « ne pouvait pas l'attaquer. Et lorsqu 'il n 'y eut plus que trois jours « jusqu'à l'été, le travail aux portes de la forteresse était déjà très« avancé. Alors les Dieux s'assirent sur leurs siéges de jugement et « cherchèrent conseil; et chacun demanda àTautre qui avait conseillé « de marier Freyia dans le Séjour-des-Iotnes, et d endommager l Air « et le Ciel, de manière à en enlever le Soleil et la Lune, pour les « donner aux lotnes ; et tous tombèrent d accord que ce conseil a dû « être donné par celui qui cause la plupart des malheurs, par Loki, «le fils dlle-de-Feuillage (Laufey); et ils le déclarèrent digne d'une « mort misérable, s'il ne trouvait pas moyen de faire perdre la rétribution à l'artisan, et ils menacèrent Loki de lui courir sus. « Lorsqu'il fut intimidé, il fit le serment que, quoi qu'il lui en coûtât, « il arrangerait la chose de manière que l'artisan perdrait la rétribu« tion. Et, le même soir, lorsque l'artisan sortit chercher des pierres « avec son cheval Svadilfari, voici que, d'une forêt, accourt une jument «vers le cheval et hennit vers lui. Quand l'étalon reconnut que c 'é« tait une jument, il entra en rut, rompit le licou et courut vers la «jument. Celle-ci rentra dans la forêt, et l'artisan courut après pour « rattraper son cheval; et ces hennisseurs coururent toute la nuit, « et la construction chôma cette nuit; et le lendemain, il ne se fit pas « autant de travail comme cela s'était fait antérieurement. Et quand
« l'artisan vit que l'ouvrage ne serait pas achevé, il entra en rage « d'Jotne; et lorsque les Dieux reconnurent, pour certain, que c'était « un Géant-des-Montagnes qui était venu chez eux, on n'eut aucun « égard aux serments, et ils nommèrent Thôr et aussitôt celui-ci arriva, « et, de suite, le Marteau Meunier (Miôlnir) s'élança dans l'air. Ce« lui-ci lui paya la rétribution de l'ouvrage, mais non avec le soleil « et la lune ; il lui refusa mème d'habiter les Séjours-des-Iotnes ; il « le frappa d'un seul coup, qui lui brisa le crâne en petits morceaux, et « l'envoya en bas, au-dessous de Hel-Brumeux (Niflhel). — Loki avait « eu avec Svadilfari un tel rapprochement, que, quelque temps après, « il mit bas un poulain; c'était un petit étalon, et il avait huit pieds; « et c'est le meilleur cheval chez les Dieux et chez les hommes. Voici « ce qui est dit dans la Vision de la Louve :
«« Alors les Grandeurs allèrent toutes sur les siéges originaires, «({ Les Dieux très-saints encore sur ceci discutèrent:
«« Qui avait porté la désolation dans l'air entier,
« « Et, à la race de l'Iotne, fiancé la Vierge d'Odur.
«« Transgressés sont les serments, les promesses et les jurements, «« Toutes les fortes assurances qu'on avait fait intervenir;
«« Thôr seul obtint cda, enflé de rage;
«« Rarement il reste assis, quand il apprend pareille chose. »»
43. Alors Piétonneur dit :
«Qu'y a-t-il à raconter de Skîdbladnir? puisque c'est le meilleur « des navires; n'y a-t-il pas de navire aussi bon que lui ou aussi « grand ? »
Sublime répond :
Skîdbladnir est le meilleur des navires et fait avec le plus d'art; « mais le plus grand navire est Naglfari (Navire d'Ongles), qui est « dans Muspell (Gâte-Monde). Certains Dvergs, fils d'Ivald(Très-Actif), « ont construit Skîdbladnir (Bois-Feuilleté), et ont donné ce navire à «Frey.Il est sigrand que tous les Ases peuvent s'y embarquer, avec leurs « armes et l'appareil guerrier; et, aussitôt que la voile est hissée, il «a le vent favorable pour aller où il doit; et quand il ne faut pas « aller avec lui sur mer, il est fait d'un si grand nombre de choses « et avec un si grand art, qu'on peut le plier comme du drap et le « porter dans sa poche. »
44. Alors Piétonneur dit :
« Skîdbladnir est un excellent navire, et une magie très-puissante « a dû être employée pour parvenir à le faire ainsi. — Est-ce qu'il « n'est arrivé nulle part à Thôr (Tonnerre) de rencontrer quelque «chose qui, de sa nature, fût tellement puissante et tellement forte « qu'il y reconnût la supériorité sur lui, par la force ou par la magie?»
Alors Sublime dit :
« Peu d'hommes, je présumé, savent raconter de cela ; cependant « mainte chose lui a paru difficile à exécuter. Mais, bien qu'il soit arrivé « que certaines choses ont été tellement fortes ou tellement solides « que Thôr n'en a pas pu remporter la victoire, il ne convient cepen« dant pas d'en parler, parce qu'il y a d'autres exemples qui prou« vent, ce qui convient à tous de croire, que Thôr est le plus puissant. »
Alors Piétonneur dit :
« Il mè semble que je vous ai interrogé sur une chose qu'il n'est « pas permis de raconter. »
Alors Équi-Sublime dit :
« Nous avons entendu parler d'événements qui nous semblent trop « incroyables pour pouvoir être vrais: mais ici, auprès, est assis « Celui qui doit savoir en raconter l'histoire véritable ; et tu dois le « croire, car il ne mentira pas, cette première fois, lui qui n'a jamais « menti antérieurement. »
Alors Piétonneur dit :
« Je vais me tenir ici et écouter si j'obtiens quelque renseigne« ments à ce sujet; mais, dans l'autre cas, je vous déclare vaincus « si vous ne savez pas me raconter ce dont je m'enquiers. »
Alors Troisième dit :
« II est évident que celui-ci veut savoir cette histoire, bien qu'il « ne nous paraisse pas convenable de la raconter. — Cependant5 \;t « maintenant écouter. —
« Le commencement de ce récit, c'est que Thôr-au-Char était en « route avec ses Boucs et sa voiture; et avec lui était l'Ase qui est « appelé Loki. Vers le soir ils viennent chez un Manant, et obtiennent «la le gîte de nuit. Puis, le soir, Thôr prit ses Boucs et les abattit « tous les deux ; après cela ils furent écorchés et mis dans la marmite. « Quand tout fut cuit, Thôr s'assit pour souper, ainsi que ses com« pagnons. ThtJr invita le Manant et sa femme et leurs enfants à
1. S'adressant à Sublime et à Equi-Sublime. — 2. S'adressant à Piétonneur.
«partager ce repas avec lui: le fils du Manant se nommait Thiâlfi « (Fouilleur), et la fille Rôskva (Alerte). Thôr alors mit les peaux des « boucs à quelque distance du feu et dit que le Manant et ceux de sa «maison devaient jeter les os sur ces peaux. Thiâlfi, le fils du Ma« nant, tint l'os de la cuisse d'un des boucs et le perça avec le cou« teau, et pénétra jusqu'à la moelle. Thôr passa là la nuit : et au «crépuscule, avant le jour, il se leva et s'habilla; prit le Marteau « Meunier, le souleva en l'air et consacra les peaux des boucs. Aus« sitôt les Boucs se levèrent; mais l'un des deux se trouva être boi« teux à une jambe de derrière. Thôr s'en aperçut et déclara que le « Manant ou quelqu'un de sa maison n'en aura pas usé avec précau« tion avec les os de ce bouc ; qu'il reconnaissait que l'os de la cuisse «avait été brisé. Il n'est pas besoin de le dire longuement, tout le « monde peut se figurer que le Manant a dû être effrayé, lorsqu'il vit « Thôr baisser ses sourcils sur les yeux, et qu'il pensa, en voyant ses « yeux, qu'il allait être foudroyé, rien que par son regard. Celui-ci « serra si fortement, de ses mains, le manche du Marteau, que les nœuds « des doigts en blanchirent. Le Manant, comme on pouvait s'y atten« dre, fit tant que tous ceux de sa maison se lamentèrent, demandèrent « d'être épargnés et offrirent, comme indemnité, tout ce qu'ils pos« sédaient. Quand il vit leur frayeur, sa colère s'en alla, et il s'apaisa; « et il prit d'eux, pour accommodement, leurs deux enfants, Thiâlfi « et Rôskva, qui devinrent dès lors les serviteurs-liges de Thôr; et, « depuis, tous deux le suivent continuellement. »
45. « Il laissa ensuite ses Boucs en cet endroit, et dirigea son voyage « vers l'Orient, vers les Séjours-des-lotnes et jusqu'à l'Océan. Il tra« versa alors la haute Mer ; et quand il arriva au bord, il remonta « dans le Pays, et, avec lui, Loki et Thiâlfi et R6skva. Quand ils «eurent marché une petite traite, il se trouva, devant eux, une « grande forêt ; ils y marchèrent toute la journée, jusqu'à ce qu'il fit «sombre. Thiâlfi était, de. tous les hommes, le plus infatigable mar« cheur; il portait le sac de Thôr. Quant à trouver un logement, ce « n'était pas facile. Lorsqu'il fit sombre, ils cherchèrent un gîte pour « la nuit ; ils trouvèrent devant eux une baraque considérablement o grande ; l'entrée en était à l'extrémité, et aussi large que la baraque « elle-même : c'est là qu'ils cherchèrent à coucher, pour la nuit. « Mais, au milieu de la nuit, il se fit un grand tremblement de terre; .( la terre fut ébranlée, sous eux, par des mouvements brusques, et
«la maison trembla. Thôr se leva alors et appela ses compagnons; «ils s'avançèrent à tâtons et trouvèrent une arrière-pièce à droite, « vers le milieu de la baraque, et ils y entrèrent. Thôr s'assit à la « porte; les autres se tenaient, derrière lui, dans l'intérieur; ils « étaient effrayés, et Thôr tenait le manche du Marteau et songeait « à se défendre. Alors il entendirent un grand bruissement et fra« cas. Quand la pointe du jour arriva, Thôr sortit : et il vit un homme « couché, tout près de lui, dans la forêt; et celui-ci n'était, certes, « pas petit ; il dormait et ronflait solidement. Alors Thôr crut pou« voir s'expliquer le bruit qui s'était fait dans la nuit ; il serra au« tour de lui sa Ceinture-de-force et sa Force d'Ase s'en accrut. «En ce moment l'Homme se réveilla et se leva aussitôt: et on ra« conte que, cette fois-ci, Thôr, ne se sentit pas le courage de le « frapper avec le Marteau ; mais il lui demanda son nom, et celui«ci déclara se nommer Skrymir (Brailleur), et, « «je n'ai pas besoin, ««dit-il, de te demander ton nom ; je sais que tu es Thôr-des«« Ases — mais pourquoi m'as-tu éloigné ma mouflle?»». Skrymir « étendit alors le bras et releva de terre sa moufïïe ; Thôr vit alors « que celle-ci lui avait servi de chambre pour la nuit, et que l'arrière« pièce était le pouce de la mouffle. Skrymir demanda si Thôr vou« lait accepter sa compagnie en route, et Thôr dit qu'oui. Skrymii» « alors saisit et ouvrit son sac aux vivres et se disposa à prendre son «déjeuner; et Thôr, à une autre place, fit de même avec ses com« pagnons. Skrymir proposa ensuite de mettre ensemble leurs provi« sions, et Thôr dit qu'oui. Alors SkrymÍr lia toute leur provende « dans un sac et se le mit sur le dos. Il marcha, en avant, toute la «journée, en faisant des pas passablement grands. Ensuite, vers le « soir, Skrymir leur chercha un gîte, pour la nuit, sous un grand « chêne. Skrymir dit alors à Thôr qu'il voulait se coucher pour dor« mir: : ««vous! prenez le sac à provende et mettez-vous à souper.»» « Après quoi Skrymir s'endormit et ronfla fortement. Thôr ensuite « prit le sac à provende et voulut l'ouvrir; mais, il faut dire, quel« que incroyable que cela paraisse, il ne parvint pas à délier un seul «nœud, ni à desserrer seulement un bout du cordon, de manière « qu'il fût moins serré qu'auparavant. Quand il vit que ses efforts « étaient inutiles, il se fâcha; il saisit, des deux mains, le Marteau « Meunier, avança d'un pas vers l'endroit où gisait Skrymir, et lui « frappa sur la tête. Mais Skrymir se réveilla et demanda si quelque
« feuille détachée lui serait tombée sur la tête, et s'ils avaient main« tenant fait leur repas, et seraient prêts à se coucher. Thôr dit qu'ils «voulaient maintenant aller dormir. Ils allèrent alors sous un autre « chêne; et il faut le dire, en vérité , qu'on n'osait pas alors dormir « sans crainte. Vers minuit, Thôr entendit Skrymir ronfler et dormir «si profondément, que la forêt en retentit. Il se leva alors et alla « vers lui, brandit le Marteau rapidement et fortement, et lui frappa « sur le sommet de la tête. Il s'aperçoit que le museau du Marteau « s'était enfoncé profondément dans la tête. En ce moment, Skrymir « se réveilla et dit : «« Qu'y a-t-il donc? un gland me serait-il tombé « « sur la tête? qu'y a-t-il avec toi, Thôr?»)) Mais Thôr avait reculé «rapidement, et il répondit qu'il venait de se réveiller à l'instant; « il dit qu'il était minuit et qu'il y avait encore du temps pour dor« mir. Thôr pensa alors que s'il trouvait, encore une fois, l'occasion « de porter un troisième coup, cet homme-ci ne lèverait plus jamais « ses yeux sur lui. Il se coucha donc, et attendit que Skymir fût a: profondément endormi. Un peu avant le crépuscule, il juge que « Skrymir doit s'être endormi ; il se lève donc , court vers lui, bran« dit alors le Marteau de toute sa force, et le frappe sur la mandi«bule qui était tournée en haut. Le Marteau s'enfonce jusqu'au « manche. Mais Skrymir se mit sur son séant, et passa la main sur la «joue et dit: «« Des oiseaux se seraient-ils perchés sur l'arbre, au«« dessus de moi? il me semble que , quand je me suis réveillé, de t( « la fiente m'était tombée des branches sur la tête. — Pourquoi es-tu ««éveillé, Thôr?— Il va être temps de se lever et de s'habiller! — «« Mais vous n'avez plus maintenant de long chemin d'ici au château «« qu'on appelle l' Enclos-Extérieur. —Je vous ai entendu chuchot««ter, entre vous, que je n'étais pas un homme de petite taille; «« mais quand vous serez entrés à l'Enclos-Extérieur, vous y verrez «« des hommes plus grands encore. Je veux maintenant vous donner «« un conseil salutaire : ne manifestez pas une trop haute opinion de ««vous-mêmes; les hommes de la suite de Loki de l' Enclos-Extét( « rieur ne souffriraient pas des paroles audacieuses dans des varlets (1 « porte-queue comme vous. Si vous voulez faire autrement, re«« tournez-vous-en ; c'est, selon moi, le parti qui serait pour vous «« le meilleur à prendre. Si cependant vous voulez continuer votre ««voyage, dirigez-vous vers l'Orient; moi, j'ai maintenant à faire ««route au Nord, vers ces montagnes que vous pouvez maintenant
««apercevoir.»» Skrymir prend le sac à provende, se le jette sur le « dos, et il s'éloigne d'eux, à droite dans la forêt; et il n'est pas dit « que les Ases lui aient alors souhaité de le revoir sain et sauf. »
46. « Thôr alla son chemin avec ses compagnons, et il marcha «jusqu'à midi. Alors ils virent un château s'élevant dans une plaine, « et il leur fallut renverser la nuque sur le dos pour atteindre du « regard jusqu'en haut. Ils s'avancent vers le château. Devant la porte « du château il y avait une grille en bois qui était fermée. Thôr alla « à la grille et ne réussit pas à l'ouvrir; et comme ils voulaient de « toute force entrer au château, ils se glissèrent entre les palis et « entrèrent ainsi. Ils virent alors une grande halle et s'en approchè« rent; les portes étaient ouvertes; ils entrèrent et ils virent, sur « deux bancs, beaucoup d'hommes, dont la plupart étaient passable« ment grands. Après cela, ils se présentèrent devant le roi Loki de «l'Enclos-Extérieur et Je saluèrent. Mais celui-ci dirigea uégligem« ment son regard sur eux, et, souriant du bout des dents, il dit : ««C'est fastidieux de s'enquérir longuement de vos histoires. — En (( serait-il autrement que je ne pense, que ce petit valet serf est «« Thôr-ait- Char ? — Serais-tu par hasard plus fort que tu n'en a ( « l'air? — Et quel est le talent avec lequel, toi et tes compagnons, ««vous pensez pouvoir vous produire? Nul ne peut rester avec nous, ««qui ne possède quelque art ou quelque connaissance d'une ma«« nière supérieure à la plupart des hommes. »)) Alors le nommé « Loki (Clôtureur), qui marchait le dernier, dit: «« Je possède un ««art, et je suis prêt à en donner des preuves : c'est qu'il n'y a per«« sonne ici qui puisse manger sa portion plus vite que moi. »» Alors « Loki de l' Enclos-Extérieur répondit : ««Cela est un art, si tu l'exerces « « effectivement ; et on va éprouver cet art. » » Il cria vers le banc que «le nommé Feu (Logi) devait s'avancer dans .l'allée et se mesurer « contre Loki. Alors une auge fut prise et portée dans l'allée de la « halle et remplie de grosse viande. Loki s'assit à un bout et Feu il « l'autre. Tous deux mangèrent le plus vite possible ; et ils se ren« contrèrent au milieu de l'auge. Loki avait mangé toute la viande « sur les os ; mais Feu avait mangé toute la viande avec les os et de «plus l'auge; et il semblait dès lors à tous que Loki avait perdu la « partie.
« Alors Loki de l' Enclos-Extérieiir demande dans quel jeu excelle « ce jeune homme-là. Thidlfi déclare qu'il pense s'éprouver à courir
«une carrière quelconque avec tout homme que Loki de l'Enclos« extérieur choisirait pour cela. Alors Loki de l'Enclos-Extérieur dit, « que c'est un excellent art, et il s'écrie que s'il ose se produire dans « un tel art, il est à présumer qu'il soit personnellement bien exercé « à la vitesse. ««Néanmoins, dit-il, nous allons tout de suite éprouver «« cela.»)) Alors Loki de l' Enclos-Extérieur se lève et sort; et il y avait « là une carrière propre à la course, sur un terrain uni. Alors Loki « de l' Enclos-Extérieur appelle à lui un petit valet serf nommé Penser « (Hugi), et lui dit de lutter, à la course, avec Thiâlfi. Ils entre« prennent donc la première course ; et Penser a une telle avance «qu 'à l'extrémité de la carrière, il parvient à s'en retourner à la « rencontre de l'autre. Alors Loki de l'Enclos-Extérieur dit: «« Il ««faudra que tu te mettes davantage en avant, Thiâlfi ! si tu veux ««gagner la partie. Il est cependant vrai que personne encore n'est « « venu ici qui m'ait paru plus léger de jambe que toi.»» Alors ils « entreprennent une seconde course ; et quand Penser est arrivé à «l'éxtrémité de la carrière, et qu'il s'en retourne, voilà qu'il y avait «encore une portée de flèche jusqu'à Thiâlfi. Alors Loki de l'Enclos« Extérieur dit : ««Tous deux vous me semblez parcourir bien la «« carrière ; mais je ne m'attends plus , de celui-ci, à ce qu'il gagne ««la partie; et cela devra se décider maintenant que vous ferez la ««troisième course. »)) Alors ils entreprennent encore une fois la «course; et quand Penser est arrivé à l'extrémitée de la carrière et « s'en retourne, et que Tlúâlfi n'a pas seulement parcouru la moitié « de la carrière, alors tous disent que c'est décidé, quant à ce jeu.
« Alors Loki de l'Enclos-Extérieur demande à Thôr quel est, parmi «ses talents, celui qu'il voudra faire briller devant eux, conformé« ment aux grands récits que les hommes ont déjà faits de ses ac« tions d 'éclat. Alors Thôr dit qu 'il préfère se prendre à lutter avec «qui que ce soit, à qui boira le mieux. Loki de l' Enclos-Extérieur «dit que c est bien; et il rentre dans la halle et appelle son garçon « d écuelle et lui commande d'aller prendre la Corne de Punition que «les hommes de la garde ont coutume de vider. Bientôt après le « garçon d écuelle arriva avec la corne et la remit dans la main à « Thôr. Alors Loki de l 'Enclos-Extérieur dit : « « On passe pour savoir « « bien boire dans cette corne, si on la vide d'un seul coup; quel«« ques-uns encore la vident seulement en deux traits ; mais nul n'est «( si mauvais buveur qu'il ne la vide en trois. )) Thôi» regarde la
« corne; elle 11e lui semble pas large, mais bien longue. Cependant, «lui, il a beaucoup soif; il se met à boire, à bien grands traits; et « il pense qu'il n'aura plus besoin, pour lors, d'incliner davantage « la corne. Lorsqu'il n'en peut plus, qu'il a redressé la corne, et « qu'il voit ce qui s'était en allé au trait, et qu'il lui semble qu'il n'y « a qu'un tout petit soupçon que la corne soit moins pleine qu'au« paravant, alors Loki de l'Enclos-Extérieur dit: «« Tu as bien bu.; «« mais cependant pas ce qu'on appelle fortement. Je ne l'aurais pas «« cru, si on me l'avait dit, que Thôr-des-Ases ne boirait pas un plus «« grand coup. Cependant je sais que tu voudras vider au second «« trait. » » Thôr ne répond pas ; il porte la corne à la bouche et pense «maintenant boire un plus grand coup ; et il s'efforce à boire autant « qu'il lui est possible. Cependant il voit encore que la pointe de la « corne ne s'élève pas autant qu'il le désire; et quand il a éloigné la «corne de la bouche, il lui semble qu'il y manque maintenant moins « que la première fois: maintenant c'est tout au plus qu'on peut « porter çà et là la corne sans répandre. Alors Loki de YEnclos-Ex« térieur dit : «« Qu'y a-t-il, Thôr? Tu ne voudras, certes, pas main«« tenant refuser de prendre encore un coup en plus de ce que tu « « aurais envie? S'il t'arrive de vider maintenant la corne, au troi««sième coup, il faudra bien, ce me semble, que celui-ci soit réel«« lement grand. Cependant jamais tu ne pourrais passer, chez nous, ««pour un homme fort, comme les Ases t'appellent, si, personnel«« lement, tu ne fais pas mieux dans d'autres jeux, que ce dont je «« te juge capable d'après celui-là.»» Alors Thôr entre en colère; il « porte la corne à la bouche et y boit aussi fortement qu'il peut, et « s'efforce à prendre un aussi long coup que possible. Cependant, lors« qu'il regarda dans la corne, une différence quelque peu plus sen« sible avait été obtenue cette fois-ci; et alors il rend la corne et ne « veut pas boire davantage. Alors Loki de l'Enclos-Extérieur dit: ««Il «« est maintenant évident que ta force n'est pas aussi grande que ««nous le pensions. — Veux-tu encore t'essayer dans d'autres jeux? «« On a pu voir tout à l'heure que tu ne vaux rien dans celui-là. »* « Thôr répondit : ««Je puis encore m'essayer dans d'autres jeux; ««toutefois ça me paraîtrait étonnant si j'étais avec les Ases et que ««de semblables coups passassent pour tellement petits! —Mais «« quel jeu voulez-vous maintenant me proposer?»» Alors Loki de « Y Enclos-extérieiir dit : «« Les jeunes varlets ici font ce qui paraîtra
««peu de chose; ils soulèvent de terre mon chat. Aussi je ne pour«« rais pas le gagner sur moi de proposer chose pareille à Thôr-des«« Ases, si je n'avais pas vu tout à l'heure que tu es, personnelle««ment, beaucoup plus faible que je ne pensais.»» Bientôt après « accourut dans l'allée de la halle un chat gris et fort grand. Thôr s'en « approcha et lui mit la main sous le milieu du ventre, et la souleva. « Mais le chat arrondit son dos à mesure que Thôr porta la main en «haut; et lorsque Thôr étendit son bras aussi haut et aussi long qu'il «pouvait, le chat lâcha terre seulement d'une patte; et Thôr ne par- « vint pas à pousser plus loin ce jeu. Alors Loki de l' Enclos-Exté« l'ieur dit : «« Ce jeu s'est passé comme je m'y attendais. Le chat «« est trop grand, et Thgr est court et petit auprès des gens de haute ««taille qui sont ici, chez nous.»» Alors Thôr dit: «« Quelque petit ««que vous me nommiez, que quelqu'un, qui que ce soit, s'avance « « maintenant et se prenne à moi ! — maintenant je suis en colère !» » «Alors Loki de l' Enclos-Extérieur, répondant et regardant autour « sur les bancs, dit : «« Je ne vois ici aucun homme qui ne jugeât un «badinage de se prendre à toi. »» Ensuite il dit encore : « « Voyons ««d 'abord, appelez-moi ici Vieillesse (Elli), ma nourrice âgée; que «« Thôr lutte contre elle s'il veut; elle a renversé des hommes qui «« ne m'ont pas paru moins vigoureux que Thôr.»» Bientôt après « entra dans la halle une vieille femme courbée. Alors Loki de l'En« clos-Extérieur dit qu'elle devait se prendre à lutter avec Thôr-des-u.Ases. Inutile de faire un long récit; la lutte se passa de telle sorte «que plus Thôr 1 assaillit en luttant, plus elle tint ferme. Alors la (c vieille se prit à recourir à des supplantations, et aussitôt Thôr chan« cela sur ses pieds. Il y eut encore des secousses très-rudes, et « Thôr ne tarda pas à tomber à genou, d'une jambe. Alors Loki de « I' Enclos-Extérieur s'approcha pour les engager à cesser la lutte , « et il dit que Thôr n aura pas besoin de proposer la lutte encore à « d autres personnes dans sa halle. Il commençait aussi alors à faire « nuit. Loki de Y 'Enclos-Extérieur assigna leurs places à Thôr et à ses «compagnons; et ils passèrent la nuit, en ce lieu , en bonne hos» pitalité. »
47. « Le lendemain, dès le point du jour, Thôr se lève, ainsi que CI ses compagnons; ils s'habillent et sont prêts à s'en aller, quand « Loki de I' Fnclos-Extérieur vint à eux et fit dresser une table pour « eux. 11 n'épargna rien au bon traitement, quant aux mets et à la
«boisson. Lorsqu'ils ont pris le repas, ils se mettent en route. Loki « de l'Enclos-Extérieu1' sort avec eux et les accompagne jusqu'au de«hors du château; et avant de se séparer d'eux, Loki de l'Enclos« Extérieur s'adresse à Thôr et lui demande comment il pense que «son voyage a tourné, et s'il a jamais rencontré quelque homme « plus puissant que lui. Thôr répond, qu'il ne saurait dire qu'il « n'ait pas gagné un grand déshonneur dans ses relations avec lui. » «« Aussi je sais encore que vous allez m'appeler un homme person«« nellement faible; ce qui ne me réjouit aucunement.»» Alors Loki « de l' Enclos-Extérieur dit: «« Maintenant que tu as quitté le châ««teau, il faut te dire la vérité que, tant que je vivrai et que cela dé««pendra de moi, tu n'y rentreras plus dorénavant. Et je sais, ma «« foi ! que tu n'y serais jamais entré , si j'avais su que tu possèdes « « personnellement une telle force et que tu nous exposerais si près ««à un grand danger. J'ai aussi usé de prestiges contre toi, la pre«« mière fois, lorsque je t'ai trouvé dans Ja forêt, quand je suis venu «« me rencontrer avec vous, et, ensuite, lorsque tu as voulu délier le «« sac à provende. C'est que je l'avais noué avec une aiguillette de «« fer, et tu n'as pas trouvé à quel endroit il fallait l'ouvrir. Bientôt «« après tu m'as frappé avec le Marteau, de trois coups : le premier ««était le moindre, et cependant assez fort qu'il eût pu me tuer, «« s'il m'avait atteint à la tête. Mais là où tu as vu, auprès de ma ««halle, la montagne de roches, et où tu as pu voir d'en haut dans ««trois vallées ou enfoncements carrés, dont un surtout très-pro««fond, c'étaient là des traces de ton Marteau. Avec.cette montagne «« de roches j'ai paré à tes coups ; mais tu ne l'as pas remarqué. Il «« en a été de même pour les joutes dans lesquelles vous avez lutté «« contre les hommes de ma garde. Le commencement en fut fait «« par Loki. 11 était très-affamé et il a mangé très-vite. Mais le nommé . «« Feu c'était le feu sauvage, et il a consumé en même temps l'auge ««et la grosse viande. Ensuite, lorsque Thiâlfi a lutté à la course «« contre le nommé Penser, c'était mon penser, et Thidlfl n était « « pas habitué à se mesurer avec lui en vitesse. Ensuite, lorsque tu ««as bu dans la corne et qu'il t'a semblé qu'elle se vidait lentement, ««je sais , ma foi ! qu'il s'est fait un prodige que je n'aurais pas cru «« possible. Le fond de la corne était placé dans la haute mer, sans «« que tu l'aies remarqué. Mais maintenant que tu t'approches de ««l'Océan, tu pourras voir combien, en buvant, tu as enlevé à la
«« mer: c'est ce qu'on appelle maintenant le reflux. »» «Il dit ensuite «encore:» ««Je ne fais pas moins de cas de ce que tu as soulevé «« le chat ; et pour te dire toute la vérité, tous se sont effrayés, lors«« qu'ils ont vu que tu as fait perdre terre à une patte. C'est que ce «« chat n'était pas ce qu'il te semblait être ; c'était le Serpent de ««l'Enclos-Mitoyen, qui entoure toutes les terres fermes; et cepen««dant sa longueur ne lui suffisait presque pas pour lui faire tou««cher la terre de sa tête et de sa queue ; et tu l'as soulevé si haut. ««qu'il fut tout près du ciel. Ce fut encore un grand prodige que, «« dans la lutte où tu t'es engagé avec Vieillesse, tu aies pu tenir ferme ««aussi longtemps, et que tu ne sois tombé que sur un genou ; car ««nul !n'a existé et nul n'existera jamais, tellement fort que, s'ils «« arrivent à l'âge où la vieillesse les attend, la vieillesse ne les fasse «« tous succomber. Et maintenant il est encore vrai de dire qu'il «« importe de nous séparer, et qu'il sera préférable pour l'un et «« l'autre parti que vous ne reveniez plus me trouver. Je tâcherai ««même une autre fois de défendre mon château par des prestiges « « comme ceux-là, et par d'autres encore, de sorte que vous ne puis«« siez prendre aucun pouvoir sur moi. »» Lorsque Thôr eut entendu « ces paroles, il saisit son Marteau, et le brandit dans l'air. Mais « lorsqu'il veut le lancer, il ne voit plus nulle part Loki de l'Enclos« Extérieur ; et alors il s'en retourne vers le château et se propose «de le démolir. Voilà qu'il aperçoit, à l'endroit, une grande et belle « plaine, mais de château, point !. Alors il s'en retourne, et continue « sa route jusqu'à ce qu'il arriva à Thrûdvangar (Champs-d'Énergie). « Ceci est encore vrai de dire que dès lors il a résolu, en lui-même, « de rechercher l'occasion d'avoir une rencontre avec le Serpent de « l'Enclos-bfitoyen, comme cela est depuis effectivement arrivé.
« — Maintenant, personne , je pense, ne saura te raconter davan« tage de cette expédition de Thôr. »
48. « Alors Piétonneur dit :
«Il est personnellement très-puissant ce Loki de l'Enclos-Extérieur„ « bien qu'il use fortement de tromperies et de magie; cependant, ce « qui fait voir qu'il est personnellement puissant, c'est qu'il avait des «hommes de garde, possédant une grande force. — Mais est-ce que « Thôr ne s'est pas revanché de cela? »
Sublime répond :
,K On n'ignore pas, lors même qu'on n'est pas un homme de savoir,
«que Thôr a réparé le mal de l'expédition qui vient, d'être racontée; « et il ne demeura pas longtemps chez lui avant de se remettre en «voyage; c'est ce qu'il fit en si grande hâte, qu'il ne prit avec lui ni « char, ni boucs , ni compagnie de route. Il sortit de l' Enclos-Mi« toyen sous l'extérieur d'un jeune aventurier; et il vint, un soir, ail «crépuscule, chez un Iotne nommé Hymir (Ténébreux). Thôr « resta là, en hôte , pendant la nuit. Puis, à l'aurore, llymir se leva « et s'apprêta il aller ramer sur mer pour la pêche. Thôr aussi se « leva vite et fut bientôt prêt, et pria Hymir de lui permettre de «ramer avec lui sur mer. Mais Hymir dit qu'il trouverait en lui peu «d'assistance, puisqu'il était de petite taille et une jeunesse, et ««tu « « serais pris de froid, quand je resterais aussi longtemps et aussi loin ««du rivage que de coutume.»» Mais Thôr dit qu'il supporterait bien « de ramer tellement loin du rivage, qu'il serait incertain qui, des «deux, demanderait le premier, à en revenir; et Thôr fut irrité «contre le géant, au point qu'il allait à l'instant lui faire goûter le « Marteau : mais il n'en fit rien, parce qu'alors il se proposa d'éprou« ver sa force dans une autre place. Il demanda à Hymir ce qu'ils « prendraient pour amorce, et Hymir lui dit de se chercher lui-même « une amorce. Alors Thôr se dirigea vers l'endroit où il voyait un « troupeau de bœufs que possédait Hymir ; il saisit le plus grand bœuf « nommé Brise-Ciel (Himin-briotr), et lui arracha la tête qu'il em« porta à la mer. Hymir avait déjà lancé son embarcation birême. « Thôr entra dans la barque et s'assit dans la cale d'arrière, prit deux « rames et rama ; et il sembla à Hymir que ses rames produisaient un «bon sillage. Hymir ramait sur l'avant, et la course fut poussée rapi« dement. Hymir dit alors qu'ils étaient arrivés dans les eaux où il avait « coutume de s'arrêter et de prendre des poissons plats. Mais ThfJr « déclara qu'il voulait ramer beaucoup plus loin ; et ils firent encore «une traite à rames battantes. Alors Hymir dit qu'ils s'étaient telle« ment avancés qu'il serait dangereux de pousser plus loin, il cause « du Serpent de Y 'Enclos-Mitoyen; mais Thôr déclara qu'il voulait « ramer encore un temps ; ce qu'il fit, et Hymir s'en inquiéta beau«coup. Et quand Thôr eut déposé les rames, il déroula un câble « très-fort, et l'hameçon n'était pas non plus petit ni moins fort. « Thôr attacha ensuite la tête de bœuf à l'hameçon et la jeta par «dessus le bord, et l'hameçon alla au fond; et il est vrai de dire que, pour lors, Thôr trompa le Serpent de l' Encloç-Mitoyen tout autant
« que Loki de l'Enclos Extérieur s'était moqué de Thôr, lorsque celui« ci souleva le Serpent dans sa main. Le Serpent de l' Enclos-Mitoyen « ouvrit sa gueule pour avaler la tête de bœuf, et l'hameçon lui entra « dans le palais. Lorsque le Serpent s'en aperçut, il s'agita si forte«ment, que les deux poings de Thôr se heurtèrent contre le bord. « Aussi Thôr en fut-il irrité, et il revêtit sa force-d'Ase : il piéta si « fort que ses deux jambes passèrent à travers la barque; et il piéta « sur le fond de la mer, et tira alors le Serpent à bord. Or, on peut « dire qu'on n'a pas vu de spectacle terrible, si l'on n'a pas vu com«ment Thôr fixa ses yeux ardents sur le Serpent, et comment le « Serpent lança, d'en bas, un regard farouche sur lui et souffla son «venin. Il est dit que l'Iotne Hymir changea de couleur, pâlit et « trembla, lorsqu'il vit le Serpent, etla mer entrant et sortant pardessus « les bords de la birême. Et au moment où Thôr prit le Marteau et le « souleva en l'air, l'Iotne saisit un couteau de pêcheur et coupa le «câble de Thôr, près du bord; et le Serpent replongea dans la mer, « et Thôr lança son Marteau après lui ; et on dit qu'il lui fracassa la « tète, au fond de la mer ; mais je crois qu'il est vrai de dire que le « Serpent de l' Eitelos-Mitoyen vit encore, couché dans la mer. Et « T1tô1' fit un tour de bras et donna à Hymir sur l'oreille un coup de «poing tel, que celui-ci fut culbuté par dessus le bord et qu'on lui « vit les plantes des pieds ; puis Thôr revint à gué au rivage.- » 49. Alors Piétonneur dit :
« D'autres événements se sont-ils encore passés chez les Ases? « Thôr a accompli un très-grand exploit dans ce voyage. »
Sublime répond :
« 11 faudra raconter les événements qui ont paru avoir bien plus « d'importance pour les Ases.
« Le commencement de cette relation-ci c'est que Bald1tr (Ex« cellent), eut des rêves pénibles et de mau-vais augure pour sa vie. « Lorsqu'il eut raconté ses rêves aux Ases, ceux-ci conférèrent entre « eux; et on résolut de demander, pour Baldur, l' invulnérabilité de Il toute espèce d'endommagement. Aussi Frigg fit-elle prêter le ser«mcnt d'épargner Baldur, au Feu, et à l'Eau, au Fer et au Métal « de toute espèce, aux Pierres, à la Terre, aux Arbres, aux Mala«dies, aux Quadrupèdes, aux Oiseaux et aux Serpents venimeux. « Quand cela fut fait et connu, c'était pour Baldur et les Ases un «passe-temps que, lui, se tenait debout dans l'assemblée, tandis
« que tous les autres se mettaient, qui, à tirer sur lui, qui, à lui « donner des coups de sabre, qui, à lui lancer des pierres. Et quoi « qu'on fit, rien ne put nuire; et cela parut à tous être un grand « avantage. Mais lorsque Loki, fils de Lallfey, vit cela, il ne lui plut « guère que rien ne nuisît à Baldur. Il se dirigea vers Salle d'Écume « (norr. Fensalr), chez Frigg, et revêtit l'extérieur d'une femme. « Frigg s'informa si cette femme savait de quoi les Ases s'occupaient «à l'assemblée. Celle-ci dit que tous tiraient sur Baldur, et que cela « ne le blessait aucunement. Alors Frigg dit : «« Ni les armes, ni les «« instruments de bois ne nuiront à Baldur ; c'est que de tous j'ai ««obtenu le serment.»» Alors la Femme demande: ««Est-ce que ««toutes les choses ont prêté serment d'épargner Baldur?»» Alors « Frigg répond : «« Un seul Rejeton d'arbre croît à l'occident de la «« Halle-des-Occis: c'est le nomméRejeton-de-Gui (Mistil-teinn); il ««m'a paru trop jeune pour exiger de lui le serment. »» Sur cela la «Femme s'en retourna ; et Loki saisit le Rejeton-de-Gui et l'arracha, « et revint à l'assemblée. Cependant Hodur (Combat) se tenait en «dehors du cercle des jouteurs, parce qu'il était aveugle. Alors Loki « lui dit : «« Pourquoi ne tires-tu pas sur Baldur ?»» L'autre répond : ««Parce que je ne vois pas où est placé Baldur, et ensuite parce ««que je suis sans armes.»)) Alors Loki dit: ««Fais cependant à « « l'exemple des autres, et rends honneur à Baldur comme les au«« très ; je veux t'indiquer dans quelle direction il est placé ; — lance ««sur lui cette baguette. »)) Hodur prit le Rejeton-de-Gui et le lança « sur Baldur, selon l'indication de Loki. — Le trait le traversa, et «il tomba mort à terre; — et cela a été le plus grand désastre qui « soit jamais arrivé chez les Dieux et chez les hommes. 1)
« Lorsque Baldur fut tombé, les Ases perdirent l'usage de la «parole et des bras, au point de ne pas pouvoir les relever. Ils se « regardèrent entre eux ,.et tous furent animés du même esprit contre « celui qui avait commis le crime. Mais personne ne pouvait en tirer «vengeance, tant ce Lieu était un endroit inviolable. Alors même « que les Ases essayèrent de parler, les sanglots néanmoins éclatè«rent d'abord au point, que nul ne pouvait à autrui exprimer son « chagrin en paroles. Odinn ressentit encore ce malheur d'autant plus «vivement qu'il connaissait le mieux les raisons pourquoi il résul«terait du trépas de Baldur une grande, perte et privation pour Irs « Ases. Lorsque les Dieux furent revenus à soi, Frigg parla el de-
« manda qui parmi les Ases serait celui qui voudrait acquérir toute « sa faveur et bienveillance, en s'offrant pour chevaucher sur la «route de Hel, et pour essayer d'obtenir une entrevue avec Baldur, « et d'offrir une rançon à Hel, afin qu'elle laissât Baldur revenir « chez lui à l'Enclos-des-Ases. Et ce fut le nommé Cour age-de-Troupe «(Hermôdr), l'ardent jouvenceau d'Odinn, qui s'offrit pour ce voyage. « On prit donc Sleipnir, le cheval d'Odinn; on l'amena, et Courage« de-Troupe monta sur ce cheval, et s'éloigna rapidement.
« Les Ases ensuite prirent le corps de Baldur et le portèrent à la « mer. Hringhorni (Corne-Recourbée) était le nom du navire de Bal« dur ; c'était le plus grand de tous les navires. Les Dieux voulurent « le mettre à flot et le préparer pour le bûcher flottant de Baldur. « Mais le navire ne bougea pas. Pour lors on envoya, à Séjour-des« lotnes, querir la géante nommée Hyr-rockin (Enfumée-de-Feu). « Lorsqu'elle arriva, montée sur un Loup et ayant pour bride un « serpent venimeux, elle sauta de sa monture ; et Odinn appela quatre « Pures-Serges (Ber-serkir), pour garder cette monture; et ils ne « parvinrent à la contenir que lorsqu'ils l'eurent jetée à terre. Alors « Enfumée-de-Feu s'approcha de l'avant de la birème, et, du premier «coup, la poussa si rudement en avant, que le feu jaillit des rou« leaux, et qu'il y eut des tremblements de terre. Thôr en fut irrité, «et il saisit le Marteau; et il lui aurait brisé la tète, si les Dieux « n'eussent pas demandé l'inviolabilité pour elle. On porta ensuite le « corps de Baldur sur le navire. Et lorsque sa femme Nanna (Vi« goureuse), fille de Nep (Nuage), vit cela, elle fut brisée de dou« leur, et mourut. Elle fut portée sur le bûcher, et entourée de feu. (1 Alors Thôr s'approcha et consacra le bûcher avec le Meunier (MiÕI- «nir). Et à ses pieds courut un dverg nommé Couleur (norr. Litr) ; « et Thôr, d'un coup de pied, le lança dans le feu , et il fut brûlé. A K ce brûlement assistaient des gens de race différente. Il faut com« mencer par Odinn, accompagné de Frigg, et des Choisit-les-Occis « (Valkyriur), et de ses Corbeaux. Frey aussi y vint, en voiture, avec « le Verrat nommé Soie d'Or (Gullinborsti) ou Slidrugtanni (Défenses « Crochues). Heimdall aussi y alla, monté sur le cheval nommé Queue-(1 d'Or (Gulltoppr). Freyia aussi y était avec ses Matous. Il y avait « encore une grande foule de Tkurses-Givreux et de Géants-des-Mon« tagnes. Odinn déposa sur le bûcher l'Anneau d'or nommé Dégout«tant (Draupnir), auquel s'attacha, depuis , la propriété que, chaque
«neuvième nuit, il en dégoutta huit anneaux d'or du même poids. « — Le cheval de Baldur, avec tout son équipement, fut aussi con« duit au bûcher.
«Quant à Courage-de-Troupe, il faut dire qu'il chevaucha, neuf « nuits, par des vallées sombres et profondes, au point qu'il ne vit « rien, avant d'arriver à la rivière de Retentissante (Giüll). Il passa « ensuite à cheval le Pont de Retentissante, lequel est couvert d'or « luisant. Lutte-Courageuse (norr. Môdgûdr) est le nom de la Vierge « qui garde ce pont; elle lui demanda son nom et sa famille, et elle « dit que, la veille, cinq pelotons d'hommes morts avaient passé sur «ce pont : «« mais le pont ne résonne pas moins sous toi tout seul ; «« et tu n'as pas l'extérieur d'un homme mort;— pourquoi chevau««ches-tuici sur le chemin d e Hel?»» L'autre répond: «« Jevais, che««vauchant, auprès de Hel pour chercher Baldur; — est-ce que ««tu l'as déjà vu sur le chemin de Hel?»» Elle dit que Raldur avait «déjà passé sur le Pont de Retentissante. «« Le chemin de lIel est « « plus bas et vers le Nord. »» Alors Courage-de-Troupe continua à « chevaucher, jusqu'à ce qu'il arriva aux Grilles-de-Hel. Alors il des« cendit du cheval, et lui serra fortement la sangle ; remonta sur le che« val et le piqua des épérons; et le cheval sauta si vigoureusement par« dessus les grilles, qu'il n'y toucha nulle part. Alors Courage-de« Troupe chevaucha vers la Halle ; et il descendit de cheval, et entra « dans la Halle. Là il vit assis, à la place d'honneur, Baldur son « frère. Et Courage-de-Troupe passa la nuit dans ce lieu. Et le len« demain Courage-de-Troupe demanda de lIel que Raldur pût s'en « retourner avec lui ; et il lui dit combien la lamentation était grande « chez les Ases. Et Hel dit qu'on allait éprouver si Raldur était réel« lement aussi regretté qu'on le disait, et «« si tous les êtres vivants ««ou morts des différents Séjours le déplorent, alors il pourra s'en ««retourner chez les Ases; mais il sera retenu auprès de Hel, s'il y ««en a un seul qui s'y refuse et ne veuille pas pleurcr.»»
« Alors Courage-de- Troupe se leva, et Baldur l'accompagna hors « de la Halle ; et il prit l'Anneau Dégouttant, et l'envoya, comme sou« venir, à Odinn. Et Nanna envoya à Frigg un vêtement, et encore « plusieurs dons, et à Fulla une bague d'or. Alors Courage-de-Troupe « s'en revint par son chemin; et il arriva dans l'Enclos-des-Ases, et « raconta toutes les nouvelles qu'il avait vues et apprises.
«Bientôt après, les Ases envoyèrent, dans tous les Séjours, des
« messagers, pour inviter tout le monde à pleurer, afin de délivrer « Haldur de Hel. Tous le firent, les Hommes et les Animaux, et la « Terre et les Pierres, et le Bois et le Métal de toute espèce, ainsi « que tu as pu remarquer que ces objets pleurent, quand ils passent « du froid dans le chaud. Lorsque les envoyés retournèrent chez eux, «après s'être bien acquittés de leur commission, ils remarquent que, « dans une caverne, il y a encore une Géante qui se nommait Thockt (Épaissie); ils la prièrent de pleurer Baldur pour le délivrer de « Hel; elle répond :
CI « Thôckt déplorera , avec des larmes sèches,
«(1 Les funérailles de Baldur :
«« Ni vif, ni mort, il ne m'intéresse, ce fils ennemi; —
«« Que Hel garde' ce qu'elle tient! »»
« Et l'on suppose que ce fut là Loki, le fils de Lallfey, qui a causé « tant de mal auprès des Ases. »
50. Alors Piétonneur dit :
« Loki a commis une chose très-grave en ce qu'il a été cause que, « d'abord, Baldur fut frappé à mort, et, ensuite, qu'il ne fut pas dé« délivré de Hel ! — En a-t-on tiré vengeance sur lui de quelque « manière? »
Sublime répond :
« Il en a été récompensé au point qu'il s'en souviendra longtemps. « Lorsque l'irritation des Dieux contre lui, comme on devait s'y at« tendre, fut venu au comble , il s'enfuit et se cacha sur une mon« tagne. Il y construisit une maison avec quatre portes, afin d'avoir, « de cette maison, la vue dans toutes les directions. Souvent aussi, « pendant le jour, il s'affubla du corps d'un saumon, et se tint caché « dans l'endroit nommé la Cataracte Frandngur (Brille-Resserré). « Là il méditait, en lui-même, quelle ruse les Ases pourraient in-(C venter pour le prendre sous cette cataracte. Un jour qu'il fut assis « dans sa maison, il prit du lin, et avec le fil il forma des mailles, « comme sont, depuis, les filets : un feu brûlait devant lui. Alors il vit «que les Ases, déjà tout prês, se dirigeaient sur lui. Odinn, du haut « de Hlidskialf (Chaumine aux Portes), avait vu où celui-ci se te« nait. Aussitôt il se précipita dehors et dans l'eau, après avoir jeté « au feu le filet. Lorsque les Ases arrivèrent auprès de la maison, « le nommé Qvasir (Fermentant), le plus perspicace d'entre eux, y « entra le premier ; et lorsqu'il vit les cendres dans le feu qui avait
« consumé le filet, il comprit que quelque chose comme cela pour« rait servir d'engin pour prendre les poissons ; et il en parla aux Ases. Aussitôt ils se mirent à confectionner un filet, d'après ce «qu'ils voyaient dans les cendres, et que Loki avait confectionné. « Et lorsque le filet fut prêt, les Ases allèrent à la rivière et jetèrent « le filet, près de la cataracte ; Thôr le tenait par un bout, et à l'autre «tenaient les Ases ensemble; puis ils tirèrent le filet. Mais Loki se « retira toujours au devant; puis il se glissa au fond entre deux pierres ; «Ie filet qu'ils tirèrent passa par-dessus lui; ils sentirent cependant qu'i 1 «y avait là quelque chose de vivant. Aussi ils remontent, une seconde «fois, à la cataracte, et jettent le filet, après y avoir attaché un poids « tel que rien ne put glisser en dessous. Loki se retire encore devant « le filet ; et lorsqu'il voit qu'il n'y a plus loin jusqu'à la mer, il saute « en l'air par-dessus l'extenseur et remonte à la cataracte. Les Ases « surent maintenant où il avait passé : ils reviennent encore 11 la « cataracte; ils distribuent la bande sur les deux côtés, et Thôr « marche dans le milieu de la rivière en aval ; et ainsi ils descendent « vers la mer. Loki ne voit plus que deux expédients : il y avait danger « pour sa vie à se jeter à la mer, et il y en avait, également, à sauter « par-dessus le filet : cependant il prit ce dernier parti; il sauta aussi q: vite que possible par-dessus l'extenseur du filet. Thôr porta la main «sur lui et le saisit; mais il s'amincit dans la main, de sorte que la « main n'eut de prise que près de la queue ; et c'est là la raison « pourquoi le saumon est mince vers la queue.
« Loki était donc pris, sans même avoir droit à merci ; et on le « transporta dans une caverne. Puis ils prirent trois rochers qu'on « dressa sur leur pointe ; et ils firent une entaille dans chacun de «ces rochers. Ensuite furent saisis les fils de Loki: Vali (Frappant) «et Nâri (Crépusculaire) ou Narvi. Les Ases métamorphosèrenf « Vali en loup, et il déchira son frère Narvi. Les Ases prirent alors « ses boyaux pour attacher Loki sur ces trois rochers, dont le pre« mier était sous ses épaules, le second sous ses reins, et le troisième « sous ses jarrets ; et ces liens se changèrent en fer. Alors Skadi « (Nuisible) prit un serpent venimeux et le suspendit au-dessus de « lui, de manière que le venin pût dégoutter, du serpent, sur sa «figure. Mais Sigyne (Aime-Chute), la femme de Loki, est debout « près de lui, et tient un bassin pour recevoir les gouttes; et, lors\( que le bassin est rempli, elle sort pour le vider du venin. Dans
« l'intervalle , des gouttes de venin lui tombent sur la figure ; et il «en éprouve de si fortes commotions que toute la terre en tremble ; « c'est ce que vous appelez tremblement de tei^re. Loki reste couché «avec ses liens jusqu'au Crépuscule-des-Grandeurs. »
51. Alors Piétonneur dit :
« Quelles histoires y a-t-il à raconter sur le Crépuscule-des-Gran« de-iirs ; je n'ai pas encore entendu parler de cela. »
Sublime répond :
« De grandes et de nombreuses histoires peuvent en être racontées ; «et le commencement en est que d'abord vient l'Hiver, qui est « nommé le Terrible-Hiver (Fimbulvetr). Alors la neige vole de tous «côtés; la froidure est alors grande et les vents piquants; on ne jouit « plus du soleil ; trois de ces hivers se suivent, et il n'y a pas d été « entre eux. Ils sont encore précédés de trois autres hivers, pendant « lesquels il y a, dans tout le genre humain, de grandes guerres; « alors les frères s'entretuent pour cause de cupidité, et nul n'épargne « ni père, ni fils , dans ces meurtres d'hommes et ces violations de « parenté. Voici ce qui est dit dans la Vision de la Louve :
«« Les frères se battront et deviendront meurtriers;
«« Les fils de sœurs violeront leurs parentés;
«« On est cruel avec les tenanciers; la paillardise est grande ;
«« C'est l'Age des bâches ! l'Age des framées ! que de boucliers fendus! « « C'est l'Age des tempêtes, l'Age des loups !; après, le Monde s'affaisse. » » « Alors arrive, ce qui passe pour un grand événement, que le « Loup avale le soleil ; et les hommes regardent cela comme une l' grande perte. Alors l'autre Loup saisit la lune, et, lui aussi, il cause « un grand dommage; — les étoiles tombent du ciel. — Alors il (1 arrive encore que la terre entière et les montagnes tremblent, au « point que les arbres sortent de la terre, que les montagnes s'écrou-(t lent, que tous les liens et chaînes se brisent et se rompent. — « Alors le Loup de Fenrir est relâché. Alors la mer débordera sur les «terres fermes, parce que le Serpent de l' Enclos-Mitoyen se roule, Il dans sa rage d'Iotne, et tâche de monter sur la terre ferme. Alors il .arrive aussi que Navire d'Ongles (Naglfar) est lancé; le navire « qui porte ce nom est fait des ongles des trépassés ; et, pour cette Il raison , il est bon d'être averti que, si quelqu'un trépasse et qu'on le ne lui coupe pas les ongles, cet individu augmente les matériaux ,( pour le vaisseau Navire d'Ongles, que les Dieux et les hommes dé-*
« sirent de ne jamais voir achevé. Cependant, dans ce débordement « de la mer, Navire d'Ongles est mis à flot. Un géant, nommé Bryme « (Fracas) le gouverne. Le Loup de Fenrir s'avance, la bouche béante; « sa mâchoire supérieure touche au ciel, et l'inférieure à la terre ; il « l'ouvrirait encore davantage s'il y avait encore de l'espace; des feux « sortent de ses yeux et de ses narines. Le Serpent de Y Enclos-Mitoyen « souffle tant de venin qu'il en infecte partout l'air et la mer; il est « aussi fort terrible, et il se tient à côté du Loup. Dans ce fracas, le « ciel se fend ; les Fils de Muspell (Gâte-Monde) s'avancent à cheval. « Noirci (Surtur) chevauche en tête, et il est précédé et suivi d'un «feu flamboyant; son glaive est très-bon, l'éclat en est plus brillant « que celui du soleil. Lorsqu'ils passent à cheval sur Bifrfot (Voie« Tremblotante), elle s'écroule, comme il a été dit ci-dessus. Les « Fils de Muspell pénètrent en avant, vers le champ d'assemblée, «nommé Tremble-au- Combat (Vigridr). C'est là que viendra alors «aussi le Loup de Fenrir, et le Serpent de Y Enclos-Mitoyen ; là «st « encore arrivé Loki (Clôtureur), et Hryme (Fracas), et, avec lui, tous «les Thwrses-Givreux ; et Loki est suivi de tous les Compagnons4e aHel; les Fils de Muspell forment, à eux seuls, une phalange qui « est très-brillante. La plaine Tremble-au-Combat a cent journées « d'étendue en tout sens.
« Lorsque ces événements arrivent, alors Heimdall (Arbre du Sé«jour) se lève, et souffle avec force dans la Corne-de-Retentissante, « et réveille tous les Dieux : et ils tiennent assemblée ensemble. Alors « Odinn chevauche à la Fontaine-de-Mimir; et il prend conseil chez <iMimir pour lui-même et pour sa suite. Alors le Frêne d'Yggdrasil .« tremble, et nulle chose, sur la terre et dans le ciel, n'est alors « sans frayeur. Les Ases s'arment, de même que tous les Troupiers« Uniques (Einheriar), et ils poussent en avant vers la Plaine. Odinn « chevauche en tête, avec le Heaume d'or et la belle Cotte de mailles « et sa Lance nommée Gungnir (Effrayant) ; il va à la rencontre du «Loup de Fenrir; Thôr s'avance à son côté; mais il ne peut pas lui « prêter secours, car il a pleinement à lutter pour combattre le Ses« pent de Y Enclos-Mitoyen. Frey se porte contre Noirci (Surtur) ; et « il se fait un rude combat avant que Frey succombe. Ce qui cause « sa mort, c'est qu'il lui manque la bonne épée qu'il a donnée à « Skirnir (Éclaircit). Alors parvient aussi à se détacher le Chien Gar« mur (Hurleur), qui était attaché à la Caverne de GtMpt (Menaçant);
« c'est là le plus grand désastre ; il soutient le combat contre Tyr, et « chacun d'eux devient la perte de l'autre. ITiôr a la gloire de tuer « le Serpent de l' Enclos-Jlitoyen; il s'en éloigne, neuf pas, et alors « il tombe mort à terre par suite du venin que le Serpent a soufflé «sur lui. Le Loup engloutit Odinn; c'est ainsi que celui-ci périt. « Mais aussitôt se précipite en avant Vîdarr (Auguste du Large) ; il « place un pied sur la mâchoire inférieure du Loup, (c'est à ce pied « qu'il a le soulier, dont, de toute éternité, on a rassemblé la ma« tière qui provient des rognures que les hommes coupent à la pointe «et au talon de leurs souliers; aussi faut-il jeter ces rognures, si l'on « veut avoir soin de venir en aide aux Ases) et, d'une main, il saisit « la mâchoire supérieure du Loup et lui fend la gueule — et c'est « ainsi que périt le Loup. Loki combat contre Heimdall; et ils se don« nent réciproquement la mort. Bientôt après Noirci (Surtur) lance « du feu sur la terre, et il brûle le Séjour entier.
«Voici ce qui est dit dans la Vision de la Louve :
««Heimdall, le cor en l'air, sonne hautement l'alarme;
« « Odinn consulte la Tête de Mimir.
«« Il tremble, le Frêne élevé d'Yggdrasil !
«« Il frissonne, ce vieil Arbre !. L'Iotne ensuite est relâché.
«H Que font les Ases? que font les Alfes ?
«« Le Séjour entier des Iotnes mugit; les Ases sont en assemblée : «« Ils gémissent aux portes des cavernes, les Dvergs,
«« Les sages des montagnes sacrées. Savez-vous encore quoi?
«« Hryme vogue de l'Orient; un bouclier pend devant lui :
«« Le Serpent de l'Enclos-Mitoyen se roule, dans sa rage d'Iotne , «« Le Ver soulève les flots ; l'Aigle bat de ses ailes ;
«« Le Bec-Jaune déchire les trépassés; — Navire d'Ongles est lancé, «a Le Navire vogue de l'Orient (l'Armée de Muspell « « Va venir par mer) , et Loki tient le gouvernail :
«« Les Fils de Fifl naviguent tous avec Fréki;
«« Le Frère de Byleyst est à bord avec eux.
«« Surtur s'élance du Sud, avec le feu des glaives;
u« Le soleil resplendit sur l'épée des Héros-d'occision ;
«« Les montagnes de roche s'écroulent, les Géantes se précipitent, «« Les Ombres foulent le chemin de Hel ; puis le ciel se fend.
u (\ Alors l'affliction de Hline se renouvelle,
«« Quand Odinn part pour combattre le Loup ;
«« Et le glorieux Meurtrier de Beli, pour s'attaquer à Noirci; —
«« Alors va succomber le Héros chéri de Frigg.
«« Il vient, le Fils d'Odinn , combattre contne le Loup,
«« Vidarr lutte contre la Bête-d'occision —
«« Il laisse dans la gueule du Rejeton de Hvedrung «« L'acier plongé jusqu'au cœur. — Ainsi le père est vengé! —
«(i Il s'approche, l'illustre Fjls de Hlôdyne ;
« « Il est mordu par la Couleuvre intrépide de colère,
(1 « Et qui frappe, dans sa rage, le Défenseur de l'Enclos-Mitoyen.
«« Les Héros vont tous ensanglanter la Colonne du monde.
« « Le soleil commence à se noircir, le continent s'affaisse dans la mer ;
« « Elles disparaissent du ciel, les étoiles brillantes ; —
«« La fumée tourbillonne autour du Destructeur du monde; —
«« La flamme élevée joue contre le ciel même.
«Voici ce qui est encore dit ici :
« « Tremble-au-Combat est le nom de la plaine où se rencontrent au combat
«« Noirci et les Dieux bienveillants ;
«« Elle a cent journées en toute direction; —
«« Tel est le champ qui leur est assigné. »»
52. Alors Piétonneur dit :
« Qu'arrive-t-il alors que sont brûlés le ciel et la terre, et le Séjour « entier, et que sont morts tous les Dieux et tous les Troupiers« Uniques, et toute la foule des hommes ?— Tu as aussi dit, aupa« ravant, que tout homme vivra, dans quelque Séjour, à travers tous « les âges. »
Alors Sublime répond :
«Il y aura alors beaucoup de bons Logements et beaucoup de-mati« vais. Le mieux ce sera alors d'être dans Gimli (Étincelant), au ciel. « On sera aussi très-bien, pour la bonne boisson, si l'on trouve « plaisir à cela, dans la Halle nommée Frémissant (Brimir); elle est « aussi placée au ciel. C'est enco-re une bonne Halle que ceU^ui est « placée aux Monts-de-Nitli (Nida-fiôll) et faite d'or rouge ; elle est « nommée Sindri (Étincelant). C'est dans ces Salles que seront logés « les hommes bons et de mœurs douces. Aux Rives-des-Cadavres «(Nâstrônd), il y a une Salle grande, mais affreuse; les portes en « sont tournées au Nord; elle est entièrement tissue de dos de ser« pents, en guise d'une maison de claies; et toutes les têtes, de ser-
<■ pents sont dirigées vers l'intérieur de la maison et y soufflent du « venin, de sorte que le long de la Salle coulent des Fleuves de venin, Il et dans ces Fleuves se trouvent les parjures et les assassins, ainsi « qu'il est dit ici :
««Je connais une Salle, qui s'élève plus loin du soleil,
«« Aux Rives-des-Cadavres ; les portes en sont tournées au Nord :
«« Des gouttes de venin y tombent par les lucarnes :
«« Cette Salle est un tissu de dos de serpents.
«« Là, dans les courants épais, se traîneront «« Les hommes parjures et les exilés pour meurtre. » »
(1 Cependant on est le plus mal dans Hver-Gelmir (Bassin-Bruyant);
«« Là, Nid-hôgg tourmente les cadavres des trépassés. »»  53. Alors Piétonneur dit :
« Est-ce qu'alors il y aura encore quelques Dieux en vie? — y « aura-t-il encore une Terre et un Ciel ?
Sublime répond :
(t Une Terre sortira alors de la Mer; et elle est verte et belle ; «les champs, alors, produisent sans être ensemencés. Vidarr (Au«guste du Large) et Vali (Frappant) vivent, puisque ni la Mer ni la « Flamme de Noirci ne leur ont nui ; et ils habitent la Plaine-d'Idi « (Idavôllr), l'endroit où était, autrefois, l'Enclos-des-Ases. Là vien« neuf alors encore les Fils de Thôr, Courage (Môdi) et Pouvoir « (J'agni), qui y apportent Meûnier (MiÕlnir). Après cela viennent « Baldur et Hodur, de chez Hel: ils sont alors tous assis ensemble « et s'entretiennent, et se rappellent leurs mystères (norr. rûnar), et « discutent sur les événements qui se sont passés antérieurement, Il et sur le Serpent de Y Enclos-Mitoyen, et sur le Loup de Fenrir. Ils Il trouvent alors dans l'herbe les'jetons d'or qu'avaient possédés les Il Ases. Voici ce qui est dit ici :
«« Vidarr et Vali habitent les Sanctuaires des Dieux
«« Quand la Flamme de Noirci sera éteinte :
« « Courage et Pouvoir possèderont Meûnier,
«a Quand le combat de Vingnir sera terminé. »»
.. Et dans l'Endroit nommé Butte-de-Hoddmimir se tiennent, à l'abri Il de la Flamme de Noirci, deux humains, Lif (Vie) et Lifthrâsir (Dé" sir do vie); et ils auront, pour nourriture, les rosées du malin; et « de ces humains proviendra une famille si nombreuse , que le Séjour entier en sera peuplé, ainsi qu'il est dit ici :
«« Lif et Lifthrâsir se tiendront encore à l'abri
«« Dans la Butte de Iloddniirair ;
«« Ils ont les rosées du matin pour leur nourriture ;
«« Et d'eux descendent les générations. »»
« Ce qui doit encore te paraître prodigieux, c'est que Sôl aura mis « au monde une Fille qui n'est pas moins belle qu'elle-même, et qui «parcourt les sentiers de sa mère, ainsi qu'il est dit ici :
«« Rousse-des-Alfes met au monde une Fille unique,
«« Avant qu'elle soit atteinte par Fenrir;
«« Quand les Grandeurs auront péri, cette Vierge
«« Parcourra les chemins de sa mère. »»
« Et maintenant, si tu peux encore adresser d'autres questions, «je ne saurais d'où cela te viendrait; car jamais je n'ai entendu il « personne pousser plus loin le récit sur les destinées du monde; — « jouis donc maintenant de ce que tu as appris.»
54. Après cela Piétonneur entendit un grand fracas, tout autour de lui; et il porta son regard à ses côtés; et lorsqu'il s'examina davantage, le voilà placé dehors dans une plaine déserte; il ne voit plus ni halle, ni ferté. Il passe alors son chemin, et rentre dans son royaume, et raconte les nouvelles qu'il a vues et apprises; et, d'après lui, chacun a raconté, l'un à l'autre, ces histoires.